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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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rendons à la cathédrale. Le Général s'attendait à ce que les honneurs lui en soient faits par le cardinal Wojtyla, archevêque de Cracovie... Hélas ! sur le parvis attend un chanoine, représentant le tout nouveau cardinal 6 qui s'est fait excuser.
    Étant consul de France à Cracovie, j'avais connu un jeune professeur du séminaire qui ne passait pas inaperçu. L'abbé Wojtyla avait la stature d'un bûcheron des Carpates, robuste, massif, inentamable. Il n'en avait pas moins l'esprit délié d'un intellectuel. Surtout, il émanait de sa personne un rayonnement exceptionnel. Certes, pas un instant l'idée de son destin futur ne m'effleura. Mais ce prêtre qui conduisait les jeunes sur les champs de ski ou les chemins d'escalade de Zakopane m'apparaissait comme l'image même de la foi de la Pologne, sans cesse meurtrie par l'Histoire, de partage en sujétion, mais toujours inébranlablement elle-même.
    Sachant que j'allais accompagner le Général en Pologne et que nous irions à Cracovie, dont Karol Wojtyla était devenu l'archevêque, je me faisais une joie de le retrouver.
    Mais le cardinal Wojtyla ne voulut pas se dissocier le moins du monde du muet boycottage décidé par le primat. Je ne pus donc le revoir. Il nous manque cette photographie de Wojtyla et de De Gaulle échangeant leurs regards, cette image qui serait devenue si émouvante, de la rencontre entre deux des géants de ce siècle.
    Géants si proches : deux libérateurs de leur peuple ; deux champions d'une Europe pacifiée, réunie et affirmée, deux combattants de la « querelle de l'homme ».

    « Vous ne décollerez pas »
    Cracovie, samedi 9 septembre 1967.
    De bon matin, je suis dans l'appartement du Général qui me donne ses instructions pour ma mission au Québec 7 .
    GdG : « Quand partez-vous ?
    AP. — Dès que votre cortège s'ébranle, je prendrai l'avion. »
    Le Général regarde par les fenêtres de son salon au-delà du méandre de la Vistule qui coule sous le rocher de Wawel et il me dit : « Vous ne décollerez pas. » Il ne cessera jamais de m'étonner. On dit qu'il a la vue basse, qu'il ne s'intéresse pas à l'intendance et voici qu'il m'annonce qu'à cause du brouillard, mon avion ne partira pas. Pour moi, je n'avais même pas pris conscience qu'il y eût un problème. De fait, quand je quitte le Général, on m'annonce que l'aérodrome est fermé pour la matinée. Je décide donc de me joindre au cortège qui part pour Auschwitz.
    Nous parcourons lentement les vestiges du camp d'extermination. Un monument rappelle la mémoire des 80 000 hommes, femmes et enfants de France qui ont disparu ici. Le Général y dépose une gerbe. Sur le Livre d'or du camp, il écrit : « Quelle tristesse, quel dégoût, et malgré tout, quelle espérance humaine ! »
    Le silence nous étreint. Le Général poursuit son chemin vers la Silésie et je le quitte pour regagner Varsovie.
    De Gaulle à Auschwitz : il n'y est pas pour lancer un message, mais pour accomplir un parcours. Nulle publicité ne sera faite à sa démarche. Elle fait partie de ces actes par lesquels il se rend présent à lui-même toute l'Histoire, glorieuse ou douloureuse.

    « Leur gouvernement n'est pas un gouvernement national »
    Conseil du 13 septembre 1967 8 .
    Couve analyse ce voyage en Pologne, rempli d'émotions et de frustrations, le premier que le Général ait fait dans une démocratie populaire. Les contacts avec le gouvernement ont été positifs ; mais l'accueil des Polonais a dépassé l'imaginable, « enthousiaste de bout en bout, des foules immenses partout, à Varsovie, à Cracovie, en Silésie — plus encore qu'au Québec.
    GdG. — La venue de De Gaulle a été pour les Polonais une occasion de se révéler à eux-mêmes. C'était frappant, évident. Ils n'ont pas souvent l'occasion de manifester spontanément et de façon nationale. Nous leur avons donné cette occasion et ils l'ont saisie.
    « Leur gouvernement n'est pas un gouvernement national ; c'est un gouvernement communiste lié à l'Union soviétique. Gomulka souffre d'être tenu ; mais il ne peut faire autrement. Ce que le pouvoir conserve de national, c'est la phobie à l'égard de l'Allemagne. Ce que la Pologne a vécu pendant la dernière guerre a été féroce ; et ces atrocités venaient après d'autres humiliations, plus anciennes, mais dont le souvenir ne s'est jamais perdu (il pense aux partages du XVIII e siècle).
    « Ils sentent bien qu'il y a l'Europe, qu'il ne faut pas

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