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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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la Pologne. Qu'est-elle pour lui, dans sa mémoire et dans ses projets ?
    AP : « Puis-je vous demander quel souvenir vous gardez de la Pologne quand vous y étiez dans l'état-major de Weygand 2 ?
    GdG (irrité). — Je n'étais pas du tout dans l'état-major de Weygand ! » (Le détestait-il déjà, ou projette-t-il sur ce lointain passé le ressentiment qu'il a voué à Weygand depuis juin 40 ?)
    Il se radoucit : « J'étais affecté, avec d'autres officiers français, auprès de la division de chasseurs polonais du général Haller. Je venais de passer deux ans et demi en captivité 3 . J'avais hâte d'aller rattraper le temps perdu. Haller s'était bien battu sur notre front avec ses hommes, il devait rentrer dans son pays qui était envahi par les bolcheviks. C'était une occasion à ne pas rater. J'ai donc demandé et obtenu au printemps 1919 de me joindre à ces chasseurs, comme membre de la mission d'assistance militaire envoyée par le gouvernement français pour aider l'armée polonaise de Pilsudski. En réalité, cette armée n'existait pas, il fallait la constituer. Nous avons donc été envoyés comme instructeurs à l'école d'infanterie de Rembertow. Au début, nous nous rongions parce que le gouvernement français ne nous autorisait pas à prendre part aux combats.

    « Tout dépend des chefs, selon qu'ils sont des chefs ou des lavettes »
    AP. — Comment se déroulait-elle, cette guerre ?
    GdG. — Elle n'avait rien de commun avec celle de l'Ouest. C'étaient des bandes qui allaient et venaient, comme si elles n'avaient pas reçu d'instructions. L'assaillant d'hier battait en retraite aujourd'hui et attaquerait demain. C'étaient des harcèlements mutuels. Il n'y avait pas vraiment de front. Nous qui avions l'habitude des ordres rigoureusement transmis et exécutés, nous n'arrivions pas à nous y faire. Ni à enseigner l'organisation et la méthode aux officiers qui allaient partir au combat. Ils ne savaient rigoureusement rien. Heureusement pour eux, les bolcheviks n'en savaient pas davantage.
    AP. — Alors, vous n'avez pas combattu vous-même ? (Le Général me toise. J'ai gaffé.)
    GdG. — Si, quand même. Lors de mon second séjour, en 1920, Paris s'est décidé à nous permettre de nous battre et c'est ce que nous avons fait. (Il se tait. Autant il n'aime pas qu'on ne reconnaisse pas ses mérites, autant il déteste s'en targuer lui-même. Il faut changer de sujet.)
    AP. — Dans quel état trouviez-vous la population ?
    GdG. — La misère du peuple était affreuse. On voyait de longues queues devant les boulangeries pour recevoir un morceau hebdomadaire de pain noir. Des enfants affamés, des femmes hagardes, des hommes qui jetaient des regards de haine sur de rares voitures qui témoignaient d'une richesse indécente. Tout le petit peuple vivait au Moyen Âge. Les paysans n'avaient pour toute fortune qu'un chariot, le podwoda , composé d'une large planche horizontale montée sur quatre roues et fermée par deux planches obliques.
    AP. — Entre 54 et 56, j'étais consul à Cracovie, ça n'avait pas changé, il n'y avait pas d'intermédiaire entre les berlines des officiels et ces chariots primitifs, qu'on y appelait furmanka.
    GdG. —Ah, vous étiez en poste à Cracovie ? (Il ne le savait visiblement pas et a même oublié que je le lui ai déjà dit. Ce n'est donc pas pour cela que je suis du voyage.) Les troupes réquisitionnaient les chariots, y mettaient leurs armes, des fusils de chasse avec des faux en guise de baïonnettes, leur barda. Les soldats les entouraient en marchant, comme les Vikings nageaient autour de leurs barques.
    AP. — Mais finalement, les Polonais l'ont emporté ?
    GdG. — C'est peut-être alors que j'ai le mieux compris le rôle du moral et l'influence des chefs. L'armée polonaise reculait sans cesse devant les bolcheviks, qui n'étaient guère que 200 000 brigands. Sa défaite paraissait inexorable. Puis ses chefs lui ont rendu courage, elle s'est ressaisie, elle s'est regroupée et a mis en fuite les cosaques de Boudienny.
    AP. — La population vous a aidés ?
    GdG. — Ne croyez pas ça. Les populations de l'Est de la Pologne, notamment les Ruthènes, étaient hostiles à tous les soldats, ceux de Pilsudski comme ceux de Lénine. La plupart d'entre eux ne voulaient donner aucun renseignement. Dites-vous que Kiev avait changé dix-huit fois de mains, alors on comprend que les populations soient fatalistes.
    AP. — Les Français l'étaient bien en

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