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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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à nous être rattachée. Il en serait peut-être de même pour des frontaliers, les minoritaires du Jura par rapport au reste de la Suisse 2 , ou les Valdôtains par rapport à l'Italie.
    « Des Wallons m'avaient déjà demandé de les annexer à la fin de la guerre. Je n'ai pas voulu donner suite à leur démarche. En 45, il fallait respecter les frontières que nous a léguées l'Histoire, sauf les frontières des pays vaincus. C'est ce qui a été fait. La Belgique, il ne faut pas y toucher. Mais que les Wallons s'organisent pour défendre leur langue et leur culture, pour éviter que les Flamands ne leur marchent sur les pieds, nous n'y voyons aucune espèce d'inconvénient... Ou alors, il faudrait que les Flamands rendent la vie impossible aux Wallons, et qu'alors les Wallons se jettent dans nos bras. Mais nous n'avons surtout pas à bouger. Ce serait trop facile de nous accuser de vouloir nous arrondir aux dépens de la Belgique. Alors qu'au Québec, nous n'avons aucun avantage direct. »
    Le Général se lève et, de son pas lourd, me raccompagne à la porte :
    « Voyez-vous, Peyrefitte, les faits sont têtus et les peuples aussi. Il est absurde de faire fi du sentiment national. On ne manipule pas les nations comme on joue au Meccano, comme on échafaude des châteaux de cartes. Les États qui sont des constructions artificielles et qui gomment les frontières des peuples ne sont que des vues de l'esprit. »
    1 Voir plus haut, ch. 1, l'entretien du 3 septembre 1962.
    2 Allusion à la revendication des habitants du Jura suisse, alors minoritaires dans le canton essentiellement germanophone de Berne. En fait, ils voulaient se séparer de Berne, non de la Suisse. C'est ce qu'ils obtinrent enfin en 1978, en constituant un nouveau canton de la Confédération.

Chapitre 6
    « VOUS ME VOYEZ TRAVERSER L'ATLANTIQUE POUR ALLER À LA FOIRE ? »
    Juin 1966.
    J'apprends par Burin que le Général a été déçu de la chute du gouvernement Lesage, qui avait si bien conduit la « Révolution tranquille 1 ». Mais, mieux informé, il s'est accommodé du succès de l'Union nationale. Daniel Johnson, dont le père est d'origine, non anglaise, mais irlandaise et catholique, et qui est lui-même tout à fait Canadien français, reprend à son compte la revendication de Lesage, contrairement à l'idée que l'on se faisait jusque-là de son parti, qui avait pratiqué si longtemps l'immobilisme avec Duplessis. Il est même plus nationaliste que Lesage, ainsi qu'en témoignent sa devise électorale et son livre : Égalité ou Indépendance. Le bilinguisme préconisé par le gouvernement fédéral de Lester Pearson n'est qu'une chimère. Toutes les désillusions convergent sur Johnson et le poussent à aller plus loin que Lesage.
    Alors, tant pis pour Lesage, vive Johnson ! Le Général ne lui reproche qu'une chose : de porter un nom anglais. « Il ne pourrait pas s'appeler Lafleur, comme tout le monde ? »

    « La francophonie prendra un jour le relais de la colonisation »
    11 septembre 1966, dans l'avion au-dessus du Pacifique.
    Le Général me dit : « Maintenant que nous avons décolonisé, notre rang dans le monde repose sur notre force de rayonnement, c'est-à-dire avant tout sur notre puissance culturelle. La francophonie prendra un jour le relais de la colonisation ; mais les choses ne sont pas encore mûres. Le Québec doit être une pièce maîtresse de la francophonie. Il ne faut pas qu'il se laisse étouffer par le Canada sous prétexte du prétendu bilinguisme, qui n'est qu'une ruse pour obliger les Français à parler anglais, tandis que les Anglais se dispenseront d'apprendre le français. Et alors, on verra ce qu'on peut faire pour donner un coup de main au Québec.
    AP. —Avez-vous l'intention de visiter l'exposition de Montréal ?
    GdG. — Sûrement pas ! Le Québec est devenu une marmite en ébullition. Si j'y vais, il faudrait que je me promène à Montréal età Québec. Ma visite ne passerait pas inaperçue. Ça pourrait même faire exploser la marmite. J'ai autre chose à faire que ça. Ou alors, il faudrait me borner à l'Exposition. Mais vous me voyez traverser l'Atlantique pour aller à la foire ?

    « Le Canada tel qu'il est encore »
    Décembre 1966.
    Saint-Légier me prévient d'une apostille du Général en marge d'un télégramme de notre ambassadeur à Ottawa : « Nous pouvons avoir de bonnes relations avec l'ensemble de l'actuel Canada. Nous devons en avoir d'excellentes avec le Canada français.

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