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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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fait.
    À l'arrivée à Orly, Johnson déclare : « Je souhaite que ce voyage nous débarrasse de ce sentiment de claustrophobie dont nous souffrons au Québec. »
    Johnson poursuit les mêmes objectifs que Lesage, mais il y ajoute un message politique : la visite officielle du Général au Québec sera entourée par son gouvernement d'un éclat exceptionnel, pour permettre au gouvernement provincial de négocier de nouvelles relations avec le Canada anglais et de transformer la Constitution en conséquence.
    Mai 1967.
    Le Général l'appelle « Monsieur le Président », tout court, comme s'il était plus que Premier ministre provincial. Il proclame : « Peuple exemplaire et très cher, en lequel, sur la terre où il vit et dont avec courage il développe les ressources, nous voyons un rameau du nôtre. »
    Qu'est-ce qui est le plus étonnant : la capacité du Général de prêter à tous les Français une vision qu'il est presque seul à avoir ? Ou la capacité du monde journalistico-politique français à rester aveugle et sourd devant tant de signes précurseurs d'une action internationale qui se prépare ?

    « Asseyez-vous là, cher ami »
    Parc des Princes, dimanche 21 mai 1967.
    Daniel Johnson et le Général doivent assister au Parc des Princes à la finale de la coupe de France 2 . Nous sommes de la partie, Joxe, Fouchet et moi. Nous arrivons à la tribune du Parc des Princes quelques minutes avant le Général, qui amène Daniel Johnson dans sa propre voiture.
    Des fauteuils d'osier nous attendent. Le chef du protocole, Bernard Durand, a disposé des cartons sur les fauteuils qui entourent le fauteuil, plus grand, réservé au Général : Joxe, garde des Sceaux, à sa droite, et moi à la sienne ; Fouchet, ministre de l'Intérieur, à sa gauche et Johnson à la sienne.
    « Comment, dis-je à Bernard Durand, vous placez le Premier ministre après les trois ministres français ?
    — Bien sûr, me répond le chef du protocole, péremptoire : le Premier ministre d'une province passe après des ministres d'un État souverain. »
    Joxe a un sourire malicieux : « Nous allons voir. »
    Ce n'est pas long. Accompagné de son hôte, le Général arrive ; Bernard Durand lui indique son fauteuil. Sans hésiter, le Généraldésigne à Johnson la place à sa droite : « Asseyez-vous là, cher ami. » (Il ne s'est pas contenté du geste, il a pris Johnson par le bras. A-t-il aperçu, sur ce fauteuil, le carton au nom de Joxe ?)
    Joxe, Fouchet et moi n'avons plus qu'à exécuter un ballet pour nous replacer dans notre propre ordre protocolaire.
    Le ballon, comme par un fait exprès, est envoyé en plein dans la tribune et manque heurter le Général. Burin des Roziers se jette en avant pour l'en protéger, le Général le lui reprend et, d'un geste majestueux, le lance sur la pelouse, sous les applaudissements des spectateurs.

    « Le seul avenir possible pour le Canada français, c'est de devenir souverain »
    Rue Le Tasse, vendredi 23 juin 1967.
    Pauline Vanier 3 demande à nous voir d'urgence, ma femme et moi. Elle vient prendre un verre. Le général et Mme de Gaulle l'ont invitée à un déjeuner dans l'intimité. Encore sous le choc de la mort récente de son mari, elle n'a pas caché combien celui-ci avait été déçu que l'Élysée refusât de le recevoir comme un chef d'État. « Georges, nous dit-elle, aurait été encore plus blessé, s'il avait vécu quelques semaines de plus, en constatant que le Général avait réservé ces honneurs à Johnson, le mois dernier, alors qu'il n'est que Premier ministre d'une province. »
    Pauline Vanier est une grande dame. Elle prétend qu'elle a dans ses veines du sang français, anglais et « peau-rouge ». Je doute un peu de cette dernière ascendance. Ce qui est sûr, c'est qu'elle parle aussi parfaitement le français que l'anglais — avec juste ce qu'il faut d'accent pour montrer qu'elle est canadienne. Si tous les Canadiens étaient aussi à l'aise qu'elle dans l'une et l'autre langue, il n'y aurait au Canada aucun choc de cultures.
    Elle s'est rendu compte, au cours de ce déjeuner qui a été fort pénible, que le Général prenait parti pour l'indépendance du Québec. Elle a essayé en vain de le retourner. Il a maintenu son point de vue : « Le seul avenir possible pour le Québec, c'est de devenir souverain. Ça finira comme ça un jour ou l'autre. » Elle n'a pu cacher son émotion au Général ; elle est partie de l'Élysée en larmes.
    Elle me supplie

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