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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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pour ce qui est de la réalité québécoise. Il a tort pour ce qui est de la réalité française : les Français se moquent éperdument du Québec. Mais, selon son principe, il faut « faire comme si ».
    Pancartes : « Québec, pays français », « Le Québec aux Québécois », « Notre État français, nous l'aurons ».
    Le Général a découvert au Canada une hostilité des Anglo-Saxons qui le blesse. Les journaux canadiens-anglais réduisent la portée du voyage. The Globe and Mail parle d'un « accueil calme et réservé », Toronto Telegram d'un accueil « moins qu'enthousiaste ». Canadiens anglais, ne vous inquiétez pas, le Président français rend visite à Clochemerle. Ce comportement de la presse le conforte évidemment dans sa résolution.
    Les mots qu'employait le Général entre nous depuis cinq anscomme une vérité d'évidence, il les fait éclater au grand jour sous les acclamations populaires : « Vous souhaitez vous affranchir, nous ne pouvons que vous encourager. » « Comment ne favoriserions-nous pas votre résolution à vous affirmer et à vous émanciper ? »

    « Vive le Québec libre ! »
    Au journal télévisé, images fortes du discours du Général au balcon de l'hôtel de ville de Montréal. Le plus frappant, c'est d'entendre et de voir l'enthousiasme de la foule et celui de l'orateur se répondre et entrer en résonance.
    « Vive le Québec libre ! » Le cri de ce soir n'a rien ajouté au message qu'il a égrené pendant les deux jours précédents — à savoir que la France accorde sa caution à la volonté des Québécois de disposer d'eux-mêmes. Mais l'association de termes en eux-mêmes anodins, Québec et libre, dégage une énergie extraordinaire. Quatre mots lancés à la foule ont créé une onde de choc qui se répercute sur tout le Canada et dans le monde entier.
    Montrer du doigt l'hégémonie américaine autant que l'hégémonie soviétique, dénoncer les États-Unis à Phnom Penh, c'était déjà audacieux. Pourtant, il n'était jamais allé aussi loin qu'en allant aux portes des États-Unis encourager les Québécois à desserrer le corset culturel et économique dans lequel leurs puissants voisins anglo-saxons les étouffent.
    Il a effectué le geste réparateur qu'il estimait nécessaire pour compenser deux siècles d'abandon.
    Dans la presse internationale, le scandale est énorme. Surtout, évidemment, la presse anglophone. Le Times n'hésite pas à écrire : « Il faut nous résigner à supporter les provocations du Président de la République française pendant le long et triste déclin de ses facultés. »
    À l'éclat du cri lancé par le Général, s'ajoute l'éclat du voyage écourté. Que le Général n'ait pas accepté qu'on trouve « inacceptable » ce qu'il a dit, c'était cohérent. Pourtant, l'annulation brutale des cérémonies préparées dans la capitale fédérale va donner encore plus d'écho au scandale de la formule.
    Mais comment le Général ne se serait-il pas décommandé à Ottawa ? Le ministre des Affaires extérieures canadien, Paul Martin, s'était aussitôt décommandé pour le dîner offert par le Général au pavillon français de l'Exposition de Montréal.

    Montréal, 25 juillet.
    Lors de la visite du Général à l'Exposition, la foule massée reprend en choeur : « Vive le Québec libre ! »

    Pompidou : « C'est l'occasion de montrer une solidarité sans faille »
    Orly, 27 juillet 1967, 3 heures 30 du matin.
    L'ensemble de l'aérogare est plongé dans la nuit. L' « isba », où nous nous retrouvons, est illuminée comme si l'on voulait fêter la circonstance.
    Pompidou, le premier à saisir le moment où la loyauté à l'égard du Général doit s'affirmer haut et fort, a battu le rappel. Il nous a fait téléphoner à tous par Jobert ce message : « Il ne faut surtout pas manquer ce retour du Général, malgré l'heure incommode : c'est l'occasion de montrer une solidarité sans faille. » Tous les membres du gouvernement sont là. À une seule exception : Edgar Faure a fait savoir par son cabinet qu'il désapprouvait les propos du Général à Montréal et le manifesterait par son absence.
    Côte à côte, les ministres échangent leurs impressions.
    Au moins la moitié, me semble-t-il, sont franchement troublés. Pompidou a simplement l'air de s'amuser. Tel ministre, gouailleur, dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : « Le Vieux, il ne tourne plus rond. » « Il a perdu la tête ! » dit un autre. « Il a été

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