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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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irréversible »
    Il relève la tête. C'est le chef militaire qui parle, comme s'il commandait toujours une division blindée : « Il faudrait que, dans les quinze jours ou trois semaines, vous vous rendiez au Québec. Nous avons fait une percée. Maintenant, il faut occuper le terrain. Je vous en charge. Les Québécois ont besoin de professeurs, d' instituteurs, de puéricultrices. Il faut qu'ils se remettent dans le circuit du français universel. Ils le souhaitent, mais ils n'en ont pas les moyens par eux-mêmes. Les ententes que nous avons signées avec eux ces dernières années vont dans le bon sens, mais c'est encore très insuffisant. Il faut leur prêter massivement nos enseignants, accueillir massivement leurs étudiants. Enfin, réfléchissez à tout ça. C'est votre affaire. Il faut tout couvrir, l'éducation, la culture, la technique, la recherche scientifique, la jeunesse, la télévision. Et quand ce programme sera prêt, vous irez le présenter à Johnson.
    AP. — Je comprends la manoeuvre et je suis tout disposé à l'exécuter. Mais dans quinze jours ou trois semaines, je ne vois pas comment. Rien n'est prêt. La Fonction publique et le Budget vont être en vacances, comme toute la France. Je n'arriverai pas à élaborer un programme substantiel, sans avoir tenu plusieursréunions interministérielles. Il me paraît impossible d'accomplir cette mission avant septembre.
    GdG (après quelques secondes : il n'aime pas qu'on lui résiste). — Enfin, voyez, mais ne perdez pas de temps ! Il vous faudrait mettre au point un accord cadre, pour que tout le monde comprenne que ce que j'ai dit, ce n'était pas du vent, que c'était l'annonce d'une réalité bien concrète. Les Français du Canada ont compris le sens de ma visite. Ils ont repris confiance en eux. C'est un moment qui sera peut-être fugitif. Il faut donner une forte impulsion et entretenir le mouvement, pour qu'il devienne irréversible.
    « Voyez ce qu'on peut développer : des bourses pour nos grandes écoles, pour des infirmières, que sais-je. Pas de paroles en l'air ! Des mesures concrètes d'application immédiate. Pour une fois, il faut que l'intendance suive, et même vite.
    (Les instructions pratiques ainsi données, il reprend de la hauteur.) « J' ai bousculé le pot de fleurs. Mes adversaires et mes faux amis ne me le pardonneront pas de longtemps. Mes vrais amis s'en réjouiront. »

    « Nous étions pauvres et nous avions l'essentiel en nous »
    On dirait qu'il a besoin de se rassurer, en tout cas de s'assurer : « Ce n'est pas moi qui ai incité les Québécois à faire la "Révolution tranquille ". C'est Lesage qui, dès sa prise de pouvoir, est venu nous demander l'appui de la France pour défendre le fait français. C'est lui qui a souhaité l'ouverture d'une délégation générale du Québec à Paris, pour que nous ayons des relations directes sans passer par Ottawa. C'est lui qui a insisté pour que cette délégation ait le statut diplomatique 1 .
    « Notre devoir est d'aider les Québécois à ne pas se dissoudre. Dans l'immensité anglophone, c'est le danger qu'ils courent. Vous savez, la domination anglo-saxonne prolifère comme une algue. Les Anglais et l'administration fédérale campent chez les Québécois comme dans une colonie.
    « Il y a deux siècles que la France a contracté une dette envers les Français du Canada. Ce que j'ai essayé de leur donner, c'est confiance en eux-mêmes ; confiance dans la Nouvelle-France ; confiance dans la France d'Europe ; confiance dans le concours qu'elles peuvent mutuellement se porter. Mais cette confiance a besoin d'être alimentée. Pour que ma visite n'ait pas été un feu de paille, il faut apporter des bûches au foyer. Ils ne croiront à l'aide promise que si elle se concrétise rapidement.
    AP. — Avons-nous les moyens de leur apporter l'aide qui leur serait nécessaire ?
    GdG. — Nous n'avons pas besoin d'être riches pour être entendus. Il y a un honneur à être pauvre. Gilles de Rais avait pris comme devise, pour entraîner ses hommes : Gloire et richesse. Mais Jeanne d'Arc répliquait : "L'homme qui parle ainsi est le dernier des hommes." Gloire et richesse, c'est aussi ce que Bonaparte promettait à l'armée d'Italie. Nous avons choisi, pour la France libre, Honneur et Patrie : nous étions pauvres et nous avions l'essentiel en nous.

    « Ce n'était pas mûr »
    AP. — Pourquoi, quand vous êtes allé au Québec en visite officielle en avril 1960, le

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