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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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public était-il partout tiède et clairsemé, y compris à Montréal ? Et pourquoi aujourd'hui, une telle ferveur ?
    GdG. — Ce n'était pas mûr.
    AP. — Qu'est-ce qui a mûri, entre-temps ?
    GdG. — En 60, des rapports directs entre le Québec et la France ne s'étaient pas encore établis 2 . Le gouvernement Lesage a installé une maison du Québec à Paris. Nos rapports sont devenus plus fréquents. Et surtout, le peuple québécois a compris qu'il avait besoin de disposer de lui-même.
    AP (têtu). — Quand même, le contraste entre le public froid de 60 et ces foules délirantes, c'est bizarre.
    GdG. — Vous savez, pendant ces sept années, le Québec s'est réveillé. Il ne veut plus seulement survivre, il veut s'affranchir. Ce qui s'est produit, c'est l'avènement d'un peuple qui entend devenir maître de son destin. Et puis, pendant le même temps, la France s'est affirmée, elle a appliqué le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, elle est devenue le porte-parole des peuples qui veulent jouir de ce droit. Alors, ces deux évolutions se sont conjuguées. »

    « Il aurait suffi que je claque des doigts pour que la Wallonie demande son rattachement à la France »
    Je l'amène une nouvelle fois sur la question belge, évoquée voici deux ans 3 . Il est moins définitif qu'alors.
    AP : « Vous ne croyez pas que les Wallons, après les Québécois,pourraient bien maintenant être tentés aussi de s'émanciper ?
    GdG. — Peut-être. La Belgique est un État fragile. Mais le problème n'est pas le même qu'au Canada. La Wallonie et la Flandre s'équilibrent à peu près. Il n'y a pas de risque, apparemment, que l'une opprime l'autre.
    « Je sais bien qu'après la Libération, il aurait suffi que je claque des doigts pour que la Wallonie demande son rattachement à la France. Mais justement, j'estimais qu'il ne m'appartenait pas de claquer des doigts. Il aurait fallu que les Wallons ou leurs représentants légitimes prennent l'initiative. La France n'avait pas à payer une dette comme au Canada. Un moment, j'avais songé à faire un voyage qui aurait commencé à Gand, je me serais arrêté à Dinant où j'ai été blessé en 14 4 , à Namur, capitale de la Wallonie, j'aurais descendu la Meuse jusqu'à Liège, dont Michelet disait qu'elle était plus française que la France. Ç'aurait été comme le Chemin du Roy au Québec. Mais j'ai résisté à la tentation.
    « Notez bien que depuis mon retour aux affaires, une de mes premières initiatives a été d'inviter le Roi et la Reine des Belges 5 . On ne m'a jamais rendu l'invitation. On avait trop peur, sans doute, des manifestations populaires en Wallonie. »
    Il reprend, après quelques secondes : « J'avais reçu une délégation de Wallons, bien décidée à préparer le rattachement. Elle m'avait expliqué que les Flamands étaient de plus en plus arrogants et finiraient par faire d'eux-mêmes sécession. C'est peut-être comme ça que ça finira.
    « La Wallonie existe, mais il n'y a pas une nation wallonne, les Wallons n'ont jamais cherché à devenir un État. Ils demandent à être intégrés au sein de la République française, dont ils ont déjà fait partie. C'est tout autre chose que, pour les Québécois, de s'émanciper de la domination anglo-saxonne.
    « Beaucoup de Wallons pensent qu'ils seraient mieux traités par la France que par la Flandre. C'est probable. Ils retrouveraient au sein de la France la fierté d'appartenir à une grande nation, la fierté de leur langue et de leur culture, le goût de participer aux grandes affaires du monde et de se battre pour de grandes causes humaines.
    « Toutes choses qu'ils ont perdues dans leur association contre nature, imposée par les Anglais, avec les Flamands qui ne les aiment pas et qu'ils n'aiment pas. Pour les besoins de l'unité de la Belgique, on a raboté ce qu'ils avaient de différent. Ils en sont frustrés.
    « Il y a un malaise belge, comme il y a un malaise canadien. Il ne faut pas exclure qu'il aboutisse à une crise, surtout au cas où l'équilibre entre les deux fractions viendrait à se rompre.

    « Rien n'est définitivement perdu dans la vie des peuples »
    AP. —Alors, qu'avez-vous dit à cette délégation ?
    GdG. — Les Wallons avaient envie de se jeter dans les bras de la France. Mais, à la fin de la guerre, nous avions suffisamment de difficultés avec les Anglais et les Américains pour ne pas rajouter celle-là. Alors, j'ai renvoyé mes visiteurs à

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