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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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mettre le pied à l'étrier pour une existence internationale.
    GdG. — Vous avez raison ! Ce serait important. (Il est rare qu'il donne aussitôt son approbation à une idée qui ne vient pas de lui, mais celle-ci lui convient si bien !)
    AP. — Soit comme membre à part entière, soit du moins comme observateur.
    GdG. — Mais non ! Pas comme observateur ! Comme membre à part entière ! Expliquez à Johnson l'intérêt que cette invitation représente pour le Québec et nous ferons ensuite le nécessaire avec le Gabon. Il faut ouvrir au Québec des fenêtres sur le monde. Le seul moyen pour un peuple d'exister, c'est d'entrer de plain-pied dans le concert des nations. Le Québec existera quand il participera librement à des conférences internationales. Tâchez de l'introduire dans cette conférence des ministres de l'Éducation. Il a l'étoffe d'une nation souveraine ; il en a la cohésion culturelle ; il s'est affirmé en quatre siècles de lutte contre la nature, contre les Indiens, contre les Anglais. »
    Il renforce sa conviction par une poussée d'irritation : « La conduite de notre presse est scandaleuse. Que les Anglo-Saxons aient réagi comme ils l'ont fait, c'est assez naturel : ils ne peuvent pas souffrir que la France parle à voix haute. Mais que les bourgeois français leur emboîtent le pas, c'est bien la preuve de leur rage à vouloir effacer la France à tout prix.
    « En fait, le gouvernement d'Ottawa est dans la main des Canadiens anglais. Ce n'est pas lui qui représente réellement les Canadiens français dispersés à travers le Canada, c'est le gouvernement du Québec, à condition qu'il se renforce et devienne souverain. »
    Il tire de ce principe une conséquence pratique :
    GdG : « Nous allons changer le statut du consulat général de France à Québec. Il était dépendant de notre ambassade. Sa correspondance devait transiter par Ottawa. Il faut qu'il communique directement avec Paris, sans passer par l'ambassade. Le climat d'Ottawa est tel qu'un ambassadeur aura toujours peur de déplaire aux autorités auprès desquelles il est accrédité. En attendant que nous ayons un ambassadeur à Québec, il faut que notre consul général nous informe et agisse de manière indépendante. »
    Il se lève, pour marquer que l'entretien est terminé : « Désormais, il ne faut plus ni de France sans le Québec, ni de Québec sans la France. »
    Sur le seuil du Salon doré, il me répète : « Et surtout, vous n'allez pas à Ottawa ! N'allez pas faire de courbettes devant Mister Martinne, qui se fait appeler Monsieur Martin au Québec. »

    « Il n'est pas nécessaire d'en parler au Quai d'Orsay »
    Cracovie, 8 septembre 1967.
    À l'issue du dîner officiel, le Général, avant de se retirer dans son appartement du château royal de Wawel, m'avise : « C'est bien demain que vous partez pour le Québec ? Venez une heure avant ledépart du cortège, il faut que je vous voie, je vais écrire à Johnson une lettre que je vous remettrai. »

    Cracovie, 9 septembre 1967, 8 heures 30.
    Il me remet une lettre manuscrite, dans une enveloppe non cachetée qu'il a inscrite au nom de « S.E. Monsieur Daniel Johnson, Premier ministre du Québec ». Je fais mine de la clore.
    « Non, non, vous la lirez. Et vous ferez bien de la recopier, je n'en ai pas de double. À votre retour, vous donnerez cette copie à mes aides de camp, ils s'en débrouilleront pour les archives. Mais pour le moment, il n'est pas nécessaire d'en parler au Quai d'Orsay » (traduire : « Je vous interdis d'en parler à Couve »).
    Je la recopierai soigneusement dans l'avion. Il l'a écrite à la main hier soir, mais ne l'a pas datée de Cracovie. Les termes en sont pressants :
    « 8 septembre 1967.
    « Mon cher Premier ministre,
    « Il semble bien que la grande opération nationale d'avènement du Québec, telle que vous la poursuivez, soit en bonne voie. L'apparition en pleine lumière du fait français au Canada est maintenant accomplie dans des conditions telles que — tout le monde le sent — il y faut des solutions. On ne peut plus guère douter que l'évolution va conduire à un Québec disposant de lui-même à tous égards.
    « Pour notre Communauté française, c'est donc — ne le pensez-vous pas ? — le moment d'accentuer ce qui est déjà entrepris. Dans les domaines financier, économique, scientifique et technique, mon gouvernement sera incessamment en mesure de faire au vôtre des propositions précises au sujet de

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