C'était de Gaulle, tome 3
l'amnistie de plein droit. Il n'y aurait pas de limitation pour l'amnistie individuelle. Je signale que, après la Commune, l'amnistie n'est intervenue que sept ans après ; pour les faits de collaboration pendant l'Occupation, huit ans après.
Michelet. — Est-ce que le texte concerne les derniers collaborateurs non amnistiés ? (Geste de dénégation de Joxe.)
GdG. — Il ne s'agit que de l'Algérie. Beaucoup a été fait déjà. On peut faire vite maintenant. (Un silence, puis, s'adressant à Joxe, comme pour une réflexion échangée en privé.) Je n'aime pas vos comparaisons. La Commune, tout s'y mêlait. La collaboration, ça a été très compliqué. Les crimes des communards et des collaborateurs avaient en somme quelques excuses. Et pourtant, l'amnistie s'est fait attendre beaucoup plus longtemps pour eux. »
Le Général est plein d'indulgence pour les communards et les collaborateurs. Mais il n'a pas l'air de voir que ses formules peuvent aussi bien s'appliquer aux patriotes rebelles, aux « soldats perdus » : eux aussi avaient quelques excuses ; l'Algérie aussi, « tout s'y mêlait », « ça a été très compliqué ».
« Je suis prêt à mettre fin à ces affaires de collaboration »
Conseil du 15 novembre 1967.
Trois semaines plus tard, le texte revient du Conseil d'État, et Michelet revient sur le souci qu'il avait seulement esquissé en octobre : les quelques dizaines de personnes qui ont purgé leur peine pour faits de collaboration, mais ne sont pas amnistiées.
GdG : « Ne mélangeons pas, mais je suis prêt à mettre fin à toutes ces affaires de collaboration. Le garde des Sceaux peut faire préparer un texte. Nous l'examinerons. »
Lui qui, personnellement, n'oublie rien de l'attitude que les uns ou les autres ont eue sous l'Occupation ; qui se fait donner une fiche pour la lui rappeler avant de recevoir un haut fonctionnaire, un parlementaire, voire un patron, ou d'accepter de les promouvoir dans la Légion d'honneur —, il fait en sorte que, collectivement, l'oubli des fautes réunisse la nation. Lui qui n'a pas hésité un instant avant d'entrer en Résistance, lui qui ne s'est pas laissé apitoyer sur Pucheu et sur Brasillach, il est vrai en pleine guerre, le voilà compréhensif pour les hésitations, les contradictions, les divagations. Et puis, l'amnistie n'est pas l'acquittement. Les peines ont été subies. Il n'est plus nécessaire que la mémoire du châtiment soit publiquement entretenue. L'amnistie est une façon d'exprimer que l'Histoire a tourné la page.
1 L'un des officiers condamnés pour sa participation à l'OAS.
2 Hara-Kiri , le « journal bête et méchant », première BD pour adultes, créé en 1960.
3 Voir C'était de Gaulle, t. I, II e partie, ch. 13.
4 Après les élections de mars 1967, Louis Joxe a remplacé Jean Foyer comme garde des Sceaux.
Chapitre 5
« ON NE CHERCHE PAS CES ÉCONOMIES, VOILÀ LE VRAI. IL FAUT CHERCHER SYSTÉMATIQUEMENT »
Conseil du 16 février 1966.
La presse annonce depuis quelques jours un « plan Debré » qui se substituerait au « plan Giscard » de stabilisation. On murmure que Pompidou en est très agacé. Il en donne en effet l'impression : il a tenu à énoncer d'emblée un cadrage général, pour bien montrer qu'il contrôle l'opération.
Pompidou : « La presse a essayé de voir un tournant dans la politique gouvernementale, comme l'amorce d'une nouvelle politique économique. Il n'y a pas de tournant, et l'on confond les mesures conjoncturelles et les données fondamentales. La stabilisation était un ensemble de mesures conjoncturelles. La stabilité est une nécessité permanente. Nous nous adaptons à la conjoncture pour rechercher le même objectif, la stabilité.
« Cela dit, il est bon que nous prenions un ensemble de mesures et que nous les annoncions en bloc. Les mesures de détail accumulées coûtent cher et ne font pas d'effet. »
Ce bloc, Debré le débite en quatre morceaux : des déductions fiscales concernant les investissements ; un système de « contrats de programme » pour encadrer un certain déblocage des prix ; des mesures pour combattre le déficit des transports publics ; enfin des mesures de progrès social 1 . Le brio qu'il met à le décrire montre bien que c'est son plan.
Le Général le couve du regard. Il est heureux de le retrouver, et doit se demander pourquoi il s'est privé de lui pendant près de quatre ans.
« Vous devriez trouver des hommes qui s'agitent »
Conseil
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