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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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heures 30, mais une minorité est restée toute la nuit pour garantir la "liberté de circulation "... »

    Nanterre, jeudi 15 février 1968.
    La manifestation a eu lieu, classiquement bruyante. Mais après, comme cela avait été annoncé, une soixantaine d'enragés du CLER ont enfoncé deux portes donnant accès à la tour de l'administration. Ils sont montés jusqu'au 4 e étage. « M. Grappin est alors sorti de son bureau. Ils lui ont remis une pétition qu'il a refusé de signer. »
    Le courage physique de Grappin ne m'étonne pas. Les militants se sont retirés en lui annonçant que désormais ils le comptent comme une des cibles de leur guérilla.
    Irrités par cette résistance, ils descendent, vont chercher du renfort au restaurant de la cité — c'est l'heure du déjeuner — et se retrouvent à 300 dans un amphi. Le professeur de psychologie qui arrive pour y faire son cours demande la parole et reçoit quolibets, injures et oeufs durs.

    Cohn-Bendit : « Croyez, Monsieur le ministre, que je le regrette »
    Paris, samedi 17 février 1968.
    Dannaud m'annonce la mauvaise nouvelle : la commission d'expulsion a statué négativement hier sur la demande concernant Cohn-Bendit. Son avocat, M e Sarda, avait invoqué le jeune âge, la maladresse. Son client, disait-il, « retiendra la nuance de réserve qu'il doit respecter ».
    Cette nuance, je le crains, restera assez vive...
    M e Sarda n'avait pas eu à forcer son talent. Il pouvait se contenter de produire l'échange de lettres intervenu entre « M. Cohn-Bendit » et François Missoffe.
    Voici celle de l'étudiant, d'un style aussi peu « enragé » que possible 10 .
    « Monsieur le Ministre,
    « Vous savez que je suis menacé d'expulsion, pour différents motifs, mais il est évident que la demande est surtout fondée sur les propos que je vous ai adressés lors de votre visite à la faculté de Nanterre.
    « Je crois qu'il y a eu à cette occasion un malentendu et c'est à vous-même que je tiens à adresser cette lettre.
    « Je vous ai demandé pourquoi votre rapport passait complètement sous silence les questions sexuelles, alors qu'il aborde tous les aspects socioculturels des problèmes de la jeunesse. Vous m'avez répondu qu'il s'agissait là de questions individuelles, comme les problèmes religieux. Je vous ai répliqué que tout sociologue estime que la sexualité est une question sociale. Vous m'avez alors répondu que chacun pouvait les résoudre et que la piscine de Nanterre permettait justement de se défouler.
    « J'ai eu le tort de vous répondre trop laconiquement que cette réponse, qui substitue le sport à la sexualité, entrait dans les théories des Jeunesses hitlériennes.
    « Il est évident qu'il n'était pas question pour moi de vous traiter d'hitlérien. Le malentendu consiste dans le fait que cette réflexion théorique ait pu être considérée comme une attaque personnelle, voire comme une insulte à votre égard.
    « Croyez, Monsieur le Ministre, que je le regrette et je serais navré si vous le considériez comme tel. »

    Le signataire ne regrettait ni ne retirait rien de ce qu'il avait dit 11 . Il regrettait seulement qu'on l'ait mal compris, par excès de laconisme.
    À quoi François Missoffe répondit, magnanime, le 8 février :
    « J'avais personnellement totalement oublié votre intervention lors de ma visite à Nanterre... Le mieux serait que vous veniez me voir un jour au ministère. Nous pourrons y avoir une conversation personnelle, comme j'en ai, croyez-le, avec énormément de jeunes quelles que soient leurs opinions. »

    Dannaud me fait observer que la commission pouvait difficilement donner un avis d'expulsion à un jeune homme maladroit et laconique qu'un ministre invitait à venir le voir, même s'il ne s'était pas rendu à cette aimable invitation.
    Je lui fais remarquer que l'avis de la commission ne lie pas son ministre ; il me répond que celui-ci ne passera sûrement pas outre.
    Nanterre, dimanche 18 février 1968.
    Comme pour me faire regretter davantage la non-expulsion de Cohn-Bendit, la note d'aujourd'hui de la PP définit avec subtilité l'action de ce personnage : « Depuis le début de l'année et sans avoir jamais dépassé plus de quinze membres, le groupe d'étudiants anarchistes a tenu la gageure d'être plus ou moins directement à l'origine de tous les incidents qui sont survenus et d'avoir saboté les réactions syndicales consécutives aux événements qu'ils avaient eux-mêmes créés.

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