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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Caen, agite beaucoup de bonnes idées. Les syndicats y occupent cependant davantage le terrain. Le nouveau secrétaire général du SNESup 13 , Alain Geismar, fait un discours remarqué, qu'il termine en faisant planer la menace d'une solution « dans la rue ».

    Paris, dimanche 17 mars 1968.
    Selon la note de la préfecture, une assemblée générale des Comités d'action lycéens rassemble une centaine de délégués.

    Paris, mardi 19 mars 1968.
    Dans la nuit du 17 au 18, trois établissements américains (deux banques et les bureaux de la TWA) ont été plastiqués.
    Aujourd'hui des groupes mobiles 14 , casqués, armés de gourdins, ont provoqué les forces de police dans le quartier de l'Opéra. L'un d'eux a cassé des vitrines de l'American Express. Quelques-uns de ces militants ont été ramassés par la police : parmi eux un seul étudiant, Langlade, dont j'apprends bientôt qu'il est inscrit à Nanterre.

    Nanterre, vendredi 22 mars 1968.
    Ce Langlade est une aubaine pour Cohn-Bendit. C'est le chaînon manquant entre l'agitation nanterroise et la violence urbaine qui depuis le début de février, à Paris et hors des facultés, met aux prises une police un peu surprise et des révolutionnaires décidés mais marginaux. Cohn-Bendit rassemble tout ce que Nanterre compte d'enragés pour organiser une « riposte » à la « répression policière ». Il propose d'occuper un lieu symbolique. Après discussion, ce sera le tour de l' administration, couronnée au huitième étage par la salle du Conseil de la faculté. C'est chose faite à 20 heures. Les révolutionnaires s'installent joyeusement autour de la table de ce saint des saints universitaire.
    J'en suis rapidement informé. Contact pris avec Fouchet, il est décidé que les forces de police interviendront à 2 heures du matin : les enragés se sont piégés eux-mêmes. Mais, prévenus, ils s'éclipseront à 1 heure 45. Non sans s'être baptisés «Mouvement du 22 mars », référence au « Mouvement du 26 juillet » de Fidel Castro.
    Le manifeste du Mouvement, rédigé dans la nuit, déclare notamment : «Pour nous, l'important est de pouvoir discuter ces problèmes à l'Université et d'y développer notre action. » Quels problèmes ? L'offensive du capitalisme en mal de modernisation et de rationalisation. La répression de la classe dominante. Le but est l' « université critique », sur le modèle berlinois 15 .

    Fouchet : « Les franchises universitaires sont un tabou »
    Paris, samedi 23 mars 1968.
    J'appelle Fouchet : « Le coup de filet a été déjoué. Mais on peut encore prendre le plus gros poisson. Nous n'aurons pas la paix tant que ce Cohn-Bendit restera en France. Il exerce une véritable fascination sur ses camarades. Il faut absolument l'expulser. Ça fait plus de deux mois que je le demande. Il trouve d'instinct les mots et les situations qui mettent les rieurs de son côté. Les jeunes le trouvent marrant ; il a fait toutes sortes de coups pendables et on n'en a jamais tiré les conséquences. Cette fois, il faut en tirer une.
    Fouchet. — Quand on a passé quatre ans et demi à l'Éducation nationale, on sait que les franchises universitaires sont un tabou. L'espace universitaire est tabou. Tout universitaire et tout étudiant sont tabous. Ce que vous reprochez à Cohn-Bendit, il le fait dans le cadre de l'université. Il faut donc que les universitaires se mouillent. Vos doyens et vos professeurs, je les connais comme si je les avais faits. Ils voudraient que le gouvernement et la police prennent les mesures d'autorité qu'ils n'ont pas le courage de prendre. Quitte, ensuite, à nous reprocher les bavures qu'ils auront provoquées. Il faut les obliger à prendre leurs responsabilités ! Je vous promets de l'expulser dès que la juridiction universitaire aura prononcé son exclusion car, à ce moment-là, il cessera d'être protégé par les franchises universitaires, pas avant. »
    Je ne peux que me résigner à accepter le pacte qu'il me propose : expulsion du territoire contre exclusion de l'université. La balle est dans mon camp.
    L'expulsion directe n'aurait pas empêché des protestations. Mais elle aurait eu l'avantage du fait accompli. Elle aurait privé les protestataires de leur chef charismatique. La longue procédure d'exclusion le met au contraire en posture héroïque et lui permet de mener la danse à sa façon.
    Je n' ai pas fait appel de Fouchet à Pompidou. Celui-ci, plus tard, me dira l'avoir regretté 16 .

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