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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Plus tard, je m'en suis voulu de ne pas l'avoir fait. Mais comment imaginer vraiment ce qui allait se passer ? Même les chefs des formations subversives n'imaginaient pas à quel point ils allaient réussir. Quiconque était revêtu d'une autorité se reposait sur le mol oreiller de... l'absence de doute. Nous avions toute confiance dans la solidité de l'État que leGénéral avait rebâti. Quelques étudiants le feraient trembler, alors que les trois quarts de l'armée et la majeure partie de la classe politique n'y avaient pas réussi ? Cette hypothèse était insensée.

    Grappin : « Je n'ai aucun moyen si ce n'est la fermeture de Nanterre ! »
    Paris, lundi 25 mars 1968.
    J'appelle le recteur Roche 17 : « Mon collègue de l'Intérieur est disposé à expulser Cohn-Bendit car il est étranger ; mais, par respect pour les franchises universitaires, il estime que c'est à la juridiction universitaire de parler la première. »
    Le recteur paraît effrayé de cette perspective : « Il faut s'assurer que le conseil d'université se décidera effectivement à le condamner. Ce n'est pas gagné d'avance. En tout cas, c'est une procédure lourde que nous ne pouvons pas mettre en train avant les vacances de Pâques 18 . D'autant plus que je vais faire une mission d'études aux Etats-Unis. Mais nous pourrions envisager cette procédure pour la fin avril. »
    J'appelle Grappin. Je me fais l' avocat des réticences du ministère de l'Intérieur à employer ses moyens de répression classiques : « C'est dans le campus, avec vos collègues, qu'il faut essayer de rétablir les choses.
    Grappin (accablé). — Mais je n'ai aucun moyen si ce n'est la fermeture de Nanterre ! Que voulez-vous que je fasse sur les émotions de ces garçons et de ces filles ? Que voulez-vous que je fasse sur la politique américaine au Vietnam ? Que voulez-vous que je fasse avec mes quarante appariteurs dont la moitié sont branlants ? Que voulez-vous que je fasse avec mes enseignants dont la moitié, et sans doute davantage au niveau des maîtres-assistants et assistants, trouvent que les gauchistes ont raison et en tout cas sont bien décidés à ce qu'on ne leur fasse aucun mal ?
    AP. — La seule façon efficace d'agir, c'est de frapper à la tête. La tête, c'est Cohn-Bendit et la dizaine des agitateurs les plus excités qui l'entourent. Le marché que j'ai conclu avec mon collègue de l'Intérieur, vous l'avez en main. Si vous établissez une dizaine de dossiers pour cette dizaine d'agitateurs, nous avons de bonnes chances d'obtenir leur exclusion de l'université, et Fouchet s'est engagé, dans ce cas, à expulser immédiatement Cohn-Bendit.
    Grappin (il garde un instant le silence ; je le sens comme écrasé par la difficulté dans laquelle je le mets). — Puisque vous me le demandez, je vais réunir une dizaine de dossiers, mais ça ne garantit pas que la juridiction universitaire va accepter de les sanctionner.Et ça ne garantit pas non plus qu'ils ne vont pas rameuter des camarades ! Ça nous en promet de belles. »
    Il me fait l'effet d'être désespéré : « Déjà l'an dernier, à la rentrée 66, quand j'ai vu cette marée humaine qui avançait dans les halls sans me reconnaître et même me voir, je me suis dit : ils vont nous écraser. Nous n'étions pas faits pour accueillir quinze mille étudiants dans des conditions aussi précaires. À Paris, la masse est tempérée par l'absentéisme : ils vont au bistrot, dans la rue et au cinéma. Ici, ils sont comme des otages. Les trajets sont trop longs pour retourner à Paris entre deux cours. Depuis cette rentrée, les choses n'ont fait qu'empirer : maintenant nous ne contrôlons plus rien. On a dépassé de beaucoup le stade de la contestation. On en est à celui de la pré-révolution. Les enragés ont regroupé et enflammé tous les gauchistes. Ils ont leur place forte, les pavillons de la résidence. Ils ont maintenant pris l'habitude d'interrompre les cours dans les amphithéâtres. Les professeurs ne voient pas d'autre solution que de fermer la faculté. En tout cas, il va falloir suspendre les enseignements deux ou trois jours, chaque fois que l'atmosphère deviendra irrespirable.
    AP. — Justement, vous avez été amené à prendre toute cette année des responsabilités qui ne sont pas celles d'un doyen. Il va y avoir, côte à côte, à la rentrée, la faculté de lettres, celle de droit, un Institut d'études politiques, un IUT. Pour administrer cet ensemble, ne croyez

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