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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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dans la voie de l'anarchisme le plus total, puisque aussi bien il s'est distingué en oeuvrant pour le sabotage des élections du conseild'administration de la "Fédération des groupes d'études de Nanterre ". »
    Une occasion passe : il faut la saisir. J'appelle Missoffe : « Le type qui t'a agressé hier est allemand 4 . Un principe de base est qu'un étranger séjournant en France doit rester neutre. Tu ne peux pas laisser insulter la République à travers toi. Il faut engager une procédure pour l'expulser 5 .
    Missoffe. — Tu veux rire ! Expulser un étudiant parce qu'il m'a adressé quelques mots un peu vifs ? J'ai fait rigoler tout le monde en lui disant que, s'il avait des problèmes sexuels, il n'avait qu'à plonger dans la piscine.
    AP. — Mais il a repris la parole pour dire que ta réplique était typiquement hitlérienne.
    Missoffe. — C'est une peccadille. Laisse tomber. »
    J'appelle Dannaud et lui explique que Missoffe veut passer l'éponge, mais que je ne suis pas de son avis. J'insiste pour que Cohn-Bendit soit expulsé, même si Missoffe ne veut pas se mettre en avant, ce que je comprends très bien.
    Après discussion, Dannaud me conseille de passer par le canal du commissariat de police de Nanterre : « C'est lui qui prendra l'initiative de traduire Cohn-Bendit devant la Commission des expulsions de la préfecture de police. Prenons-le comme une affaire de routine. Nous faisons le nécessaire. »

    Caen, 18 janvier 1968.
    En visite à l'université de Caen, j'entre dans le vaste amphithéâtre où tous les enseignants sont réunis.
    Au moment où j'arrive à la tribune, accompagné du recteur et des doyens, un léger bruit venu d'en haut me fait lever les yeux. J'ai à peine le temps de me demander ce qui se passe, qu'un oeuf vient s'écraser sur la manche de mon voisin. Imperturbables, nous ouvrons la séance. Un ami me dira : « À quelques centimètres près, vous deveniez le ministre aux oeufs pourris comme Guy Mollet a été l'homme des tomates d'Alger ! »
    Le militant gauchiste imaginatif qui avait su grimper dans les combles, s'insinuer dans l'espace d'un faux plafond, ramper jusqu'à notre verticale et calculer sa trajectoire avec assez d'adresse, ne fut ni rattrapé ni même recherché.
    Une agression qui a des allures de farce : une certaine violence est entrée dans mon paysage.

    Fouchet : « Nanterre, ce sont des gamineries »
    Nanterre, 27 janvier 1968.
    La procédure d'expulsion de Cohn-Bendit suit son cours ; mais ce n'est pas un cours tranquille. À Nanterre, plusieurs dizaines d'enragés se sont réunis hier pour réclamer à hauts cris qu'elle soit suspendue. Le doyen Grappin a demandé au commissaire de police de Nanterre d'envoyer un car d'agents de police pour mettre fin à ces perturbations. Les gardiens de la paix, à peine débarqués, se sont vus entourés d'une foule hostile. Ils ont décampé au plus vite, sous les quolibets d'un millier d'étudiants.
    Grappin est vivement frappé par cet incident. Selon lui, les perturbateurs n'étaient que quelques-uns au début, mais la masse des étudiants les a « suivis dès que la police est arrivée ».
    Lui-même, pour avoir appelé la police, s'est fait conspuer : « Grappin nazi». L'ancien résistant 6 encaisse douloureusement cette insulte.
    La présence de la police joue le rôle d'un catalyseur : elle est la condition nécessaire et suffisante pour créer de la solidarité entre étudiants... Les analystes de la préfecture de police redoutent que « la concurrence qui oppose les diverses formations de gauche, à l'intérieur de la faculté, ne (soit) pas faite pour apaiser les esprits mais risque au contraire de provoquer une dangereuse escalade ».
    J'appelle Fouchet dès le matin. Il prend l'incident avec philosophie. Il en a vu d'autres, pendant les quatre ans et demi qu' il a passés à l'Éducation nationale. « Et j'en verrai d'autres. Parlez-moi des violences à propos de la manifestation ouvrière qui a eu lieu à Caen. Ça, c'est une vraie bagarre et ces ouvriers de vrais bagarreurs. Ça me préoccupe vraiment. Mais Nanterre, ce sont des gamineries. »

    Paris, février 1968.
    Bourricaud 7 , bon connaisseur des universités étrangères, me dit : « Ne vous plaignez pas de l'agitation de nos étudiants. Nous sommes sans doute un des pays du monde où ils sont le plus tranquilles. Ce qui s'est passé aux États-Unis, au Japon, en Allemagne, en Italie, s'est étendu en Espagne, en Belgique, en Hollande.

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