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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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les lycéens, on dit non, on n'y sera pas avant 4 heures et demie, après les cours. » Sages lycéens encore, qui ne manifestent qu'après la sortie... Mais militants résolus et organisés, prêts à en découdre avec les militants d'Occident — et qui, arrivant sur les lieux, voient leurs camarades embarqués dans les cars. Sans prévenir, ils tombent sur le dos des agents : « Avoir quinze ans, balancer des caillasses sur les flics et être protégés par la foule, le bonheur absolu ! Les flics étaient éberlués. Les dirigeants étudiants aussi. Ils étaient dans les cars et nous regardaient en se disant : "C'est pas possible, ça prend ! " »
    Ça prenait en effet, mais les militants des CAL avaient été la présure. Leur intervention décisive a complètement échappé à la police, et les « grands » ont dédaigné de mettre en valeur ce renfort inespéré de « plus petit que soi ».
    On n'a pas compris qu'une révolution ne se fait pas sans révolutionnaires, ni qui étaient les révolutionnaires de cette révolution-là. Ce témoignage montre avec une clarté aveuglante ce que la gentillesse ou la jobardise des Parisiens ne voulait pas voir : que l'incendie avait été allumé par de vrais incendiaires, sincères, convaincus, purs et durs. Des « ados » dont les parents vendaient sagement L'Humanité-Dimanche. Ils ont bu l'idéologie antibourgeoise au biberon et ont rejeté le communisme quand il leur a paru tristement petit-bourgeois. Du léninisme, ils avaient appris le mythe de l'avant-garde, la nécessité de l'organisation, les techniques d'action de groupe, la provocation violente, la guérilla urbaine. Ces guerriers de 68, si peu nombreux, si entraînants, ils revivent dans leur vérité à travers les images de Romain Goupil.
    1 Que Pompidou connaît bien : Robert Flacelière est le directeur de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. À ce titre, il fait partie du Conseil de l'université de Paris, et de sa commission disciplinaire.
    2 Ce texte, qui précède les événements, me paraît plus juste que le livre publié quatre mois plus tard par le même auteur, La Révolution introuvable, qui paraît réduire le mois de Mai à un vaste chahut d'étudiants.
    3 Romain Goupil a conté son aventure et celle de ses camarades des CAL et de la JCR dans Mourir à trente ans, diffusé le 19 mai 1998 dans l'émission de Jacques Perrin, La 25 e heure, l'heure des insomniaques, alors que ce document aurait mérité les heures de grande écoute. Les propos de Romain Goupil cités ici ont été recueillis par Michel Braudeau (Le Monde, 16 mai 1998).

Chapitre 10
    « C'EST UNE ÉMEUTE INSURRECTIONNELLE »
    Dimanche 5 mai 1968.
    Le Général a décidé de rester à Paris pour ce week-end, alors qu'il avait prévu de se reposer à Colombey.
    La Chevalerie 1 me joint à Provins après avoir joint Fouchet à Nancy. Le Général nous convoque avec Joxe, garde des Sceaux et Premier ministre par intérim, dans son bureau à 18 heures, pour parler de la situation consécutive à l'émeute de vendredi.

    « Il fallait enfin réagir ! Ça n'avait que trop attendu ! »
    Le Général est très calme. Il veut montrer qu'en l'absence du Premier ministre, il estime devoir s'occuper lui-même de questions qu'il laisserait à celui-ci le soin de régler seul, s'il était là. Nous sommes dans une situation ambiguë, où le rôle du Premier ministre, théoriquement tenu par l'intérimaire, ne l'est pas vraiment, et où le chef de l'État le remplit partiellement.
    Joxe annonce au Général les verdicts que la dixième chambre correctionnelle vient de prononcer : « L'audience de flagrant délit n'y est pas allée de main morte : sur treize manifestants traduits devant elle, quatre, dont deux non-étudiants, sont condamnés à deux mois de prison ferme, huit avec sursis, et un seul est relaxé. » Assez fier de lui, il souligne ce que cette sévérité a d'exceptionnel.
    Le Général manifeste une satisfaction modérée : « Enfin, c'est mieux que rien.
    Fouchet (porté à l'apaisement, en face d'un Général implacable et d'un garde des Sceaux content d'avoir obtenu des peines significatives). — L'important, c'est que ce châtiment, sans exemple depuis des années, ne provoque pas un réflexe de solidarité, voire de vengeance.
    GdG. — Vous estimez que c'est trop, d'avoir condamné quelques garçons avec sursis, et quatre, dont seulement deux étudiants, à deux mois de prison ferme, pour une émeute qui a duré

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