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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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cinq heures et où ces lascars se sont particulièrement fait remarquer ? Alors qu'ils étaient des centaines à bombarder des policiers avec toutes sortes de projectiles ? Vous trouvez ça excessif ? L'histoirede France est pleine d'émeutes qui n'ont pris fin que quand quelques dizaines d'émeutiers sont restés sur le carreau. »
    Il nous questionne sur le déroulement de la bagarre ; Fouchet et moi répondons alternativement.
    Le Général nous coupe : « Si la police n'avait pas évacué la Sorbonne vendredi, elle aurait dû l'évacuer samedi ou dimanche. Il fallait enfin réagir ! Ça n'avait que trop attendu ! On ne peut pas reprocher au recteur et aux doyens de s'être précipités, mais d'avoir trop longtemps traîné. »

    « En tout cas, vous ne rouvrez pas la Sorbonne »
    Le Général donne à Joxe et Fouchet des consignes de fermeté : « Pas de faiblesse ! Une fois de plus, il faut résister à ceux qui veulent s'attaquer à l'État et à la nation. Nous ne devons pas tolérer, maintenant que la France est en paix, des violences que nous n'avons pas acceptées dans les périodes les plus difficiles ! C'est vraiment regrettable que la sélection n'ait pas été réalisée au cours des dernières années ! Il y a dans l'université toutes sortes d'olibrius qui n'ont rien à y faire. »
    Le Général a sûrement raison dans le principe : il faut marquer que l'on ne peut impunément se rebeller contre la force publique en la criblant de projectiles. Mais depuis janvier, on voit tant d'exemples de la solidarité passionnelle qui s'établit entre jeunes dès que l'un d'eux est épinglé, ou dès que paraît un uniforme ! Je suis effrayé de l'immense fossé qui s'est creusé entre le monde adulte et celui des jeunes, comme de la solidarité qui s'établit entre les jeunes si le pouvoir adulte montre son nez. Et les émeutes dont l'histoire de France est pleine pouvaient bien se terminer par un massacre d'émeutiers. Mais qui l'envisagerait aujourd'hui ? Le peuple l'accepterait-il ?
    Le Général reprend, comme s'il devinait nos réticences à travers nos silences : « Ce qui est exceptionnel, ce n'est pas ces peines, qui sont assez légères, c'est surtout que des manifestants dans la rue bombardent des policiers avec des boulons et des pavés et les attaquent au corps à corps avec des manches de pioches. On est très au-delà de l'outrage à agents ou de la rébellion ! C'est une émeute insurrectionnelle ! N'importe qui, les étudiants comme les autres, a le droit d'exprimer ses opinions verbalement ; mais personne n'a le droit de le faire en joignant l'acte à la parole. Ce sont des agressions sauvages qu'on ne peut laisser s'instaurer dans ce pays. Il faut le marquer immédiatement, et avec la plus grande vigueur !
    Fouchet (comprenant qu'il doit faire un pas vers le Général). — La défense des étudiants ne tenait pas. Ils ont tous raconté qu'ils ne s'étaient munis d'armes que pour répondre à une agression d'Occident. C'était peut-être vrai pour ceux qui étaient dans la courde la Sorbonne, mais ce ne l'était évidemment pas pour ceux qui ont attaqué la police dans la rue. On a découvert dans leurs sacoches des provisions de projectiles et de gourdins. Ce n'étaient pas des enfants de choeur qui se sont mis à arracher les pavés et à bombarder la police en se protégeant avec des casques de moto. C'étaient des commandos, c'était un groupement armé 2 .
    GdG. — Eh bien, il faut en tirer les conséquences ! Nous avons affaire à une organisation armée dont l'objectif est la subversion. (Se tournant vers moi.) En tout cas, vous ne rouvrez pas la Sorbonne ! Il faut la laisser fermée au moins quelques jours.
    AP. — Sauf pour la commission de discipline, qui entendra demain matin Cohn-Bendit et sept autres "enragés", et pour les candidats à l'agrégation de lettres, dont les épreuves commencent demain. C'est d'ailleurs pour protéger ces concours que le recteur a décidé hier la fermeture, avec mon accord.
    GdG. — Bien entendu, il faut assurer les examens déjà prévus. Mais que les cours ne reprennent pas tant que le calme n'est pas complètement revenu ! D'ici là (se tournant vers Fouchet), vous faites garder solidement le Quartier latin ! Faites en sorte que ces émeutes ne recommencent pas ! Si elles recommencent, allez-y franco !
    AP. — La commission de discipline de l'université se réunit demain matin à la Sorbonne pour juger Cohn-Bendit et les sept autres inculpés.

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