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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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table recouverte de feutre gris, dans le grand salon blanc où il tient ses réunions, le dos au parc — comme pour ne pas se laisser distraire, ou pour mieux observer qui va entrer —, trône, tel un prince débonnaire. Il fait appel de temps à autre à des parlementaires « compagnons », qu'il mélange allégrement avec des hauts fonctionnaires, supposés « compagnons » eux aussi pour l'occasion.
    Pompidou : « Ah, Kaspereit ! Je vous attendais ! Il me plaît, Kaspereit, il a toujours le sourire. »
    J'ai l'impression que ce sourire ne se communique pas à quelques-uns des hauts fonctionnaires qui sont là. Ils trouvent naturel d'être mélangés à des ministres, mais non à des députés de base du parti majoritaire. Dans cette période où la situation est fluide, ils n'aiment pas être confondus avec des militants.
    Pompidou aussi a toujours le sourire. Il apprécie chez ses interlocuteurs la maîtrise de leurs inquiétudes, le détachement, la distance. Il allume parfois une cigarette avec la précédente ; mais souvent, il garde le mégot éteint au coin de sa bouche, comme pour s'interdire de recommencer. Son sourire en est accentué.
    « Vous voyez, nous dit-il, quand un enfant ou un adolescent a un accès de colère, c'est comme un coup de folie : il faut d'abord qu'on fasse baisser la fièvre et que la folie s'éloigne, avant qu'il aitle temps de contaminer les autres. Il faut lui tapoter la joue, s'il a dix ans, faire appel à son bon sens s'il en a dix-huit ; il ne faut pas risquer de faire remonter la fièvre. »

    Pompidou : « La préfecture de Nantes, tout le monde s'en fout »
    Fouchet dit drôlement : « Le 8 mai, quand les ouvriers et les paysans manifestaient ensemble dans les neuf départements de l'Ouest, nous avions complètement dégarni Paris, nous étions à la merci des enragés. Il ne faudra jamais recommencer cette imprudence. »
    Pompidou tranche : « Paris, c'est Paris. Si l'émeute se rend maîtresse de l'Hôtel de Ville, ou du Palais-Bourbon, ou de Matignon, ou à plus forte raison de l'Élysée, l'État et la France sont fichus en l'air. Si c'est la préfecture de Nantes, tout le monde s'en fout. Dites donc à Vie 2 qu'il n'a qu'à se débrouiller. Si les gauchistes l'embêtent, il n'a qu'à faire appel au service d'ordre de la CGT, qui leur rentrera dans le lard. »
    Pompidou a commencé par se faire des illusions sur la nature des événements. Mais il a admirablement tenu le choc. S'il est angoissé, il garde son angoisse pour lui. Si certains membres de son entourage caressent l'idée de voir le Général s'effacer, il ne prête pas le flanc à l'accusation de déloyauté. Il a été depuis vingt-quatre ans trop lié à toutes les péripéties de l'aventure gaullienne pour ne pas « coller » à elle ; et le Général est nécessaire pour lui donner sa légitimité.
    Il a reçu dans son bureau plusieurs groupes de parlementaires gaullistes. Il ne leur donne ni assurance, ni promesse. Mais ils repartent rassérénés, de l'avoir vu si maître de lui, si souriant.
    Chaque jour, il va faire un tour dans la salle de presse de Matignon. La télévision donne de lui des images sereines. Le Général « n'est plus lui-même » ; mais Pompidou est là.
    1 On trouvera le texte intégral de cette communication en annexe 2.
    2 Préfet de Loire-Atlantique.

Chapitre 19
    « VOTRE PSYCHOLOGIE A ÉTÉ DE LAISSER VENIR »
    Élysée , jeudi 23 mai 1968 .
    Flohic, avec lequel je bavarde un moment avant de rejoindre mes collègues qui arrivent l'un après l'autre dans la salle du Conseil, parle de « l'indulgence complice de certains à l'égard des manifestants. » Pense-t-il à Grimaud, ou à plus haut que lui ? En tout cas, avec son absolue fidélité au Général, nul doute qu'il a entendu celui-ci tenir des propos du même ordre.
    Avant l'arrivée du Général et de Pompidou, les ministres échangent leurs inquiétudes. Ils sont, me semble-t-il, une nette majorité à trouver que la politique d'apaisement inconditionnel a échoué : elle a embrasé toute la société.
    Missoffe : « Le système de Pompidou est épatant, mais il ne fonctionne pas. Tout le monde réclame : "Et moi, et moi"
    Guéna. — Les étudiants ont fait la preuve qu'il suffisait de tout casser pour obtenir tout. Pourquoi les jeunes ouvriers se gêneraient-ils ?

    Marcellin : « Il fallait fiche les meneurs en taule »
    Marcellin. — Comment se fait-il que le gouvernement fasse montre d'une telle faiblesse ? Mais

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