Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
qui donc, dans l'appareil de l'État, a une conception réfléchie du maintien de l'ordre ? Jamais d'initiatives pour reprendre les choses en main, pour mettre l'adversaire hors d'état de nuire ! On réplique au coup par coup, et toujours en reculant ! »
    Je lui réponds que je pense comme lui, mais que je comprends aussi la hantise de Pompidou, de Fouchet, de Grimaud : ils craignent que la fermeté ne conduise à faire couler le sang.
    Marcellin : « Mais c'est absurde ! Il n'est pas question de se servir d'armes à feu, puisque les émeutiers n'en emploient pas ! Il faut évidemment rester dans le même registre qu'eux. Mais surtout ce qu'il faut, c'est abandonner la défensive ; c'est frapper à la tête, emprisonner les meneurs, désorganiser le système d'attaque des groupes révolutionnaires. Quand il y a de l'agitation, c'est qu'il y a des agitateurs. Dès le début, il fallait fiche les meneurs en taule et dissoudre leurs mouvements. Et si les agitateurs les reconstituent, il faut les poursuivre pour reconstitution de ligues dissoutes. Je connais la musique. Je l'ai apprise avec Jules Moch.
    « En 52, les communistes, armés de barres de fer, ont fait une manifestation violente contre la venue à Paris du général Ridgway, vous vous souvenez 1 . J'étais au gouvernement. On n'a pas molli. Huit cents arrestations, dont Jacques Duclos et André Stil. Cent cinquante inculpations pour atteinte à la sûreté intérieure de l'État, perquisitions au siège du PC. Les communistes ont compris alors que la violence se retournait contre eux. »
    Pourtant, Grimaud peut se prévaloir, depuis la nuit des barricades, d'une douzaine de jours calmes, pendant lesquels on a suivi sa tactique du non-agir. Et même il peut triompher en soulignant que c'est l'interdiction de séjour prononcée, malgré son avis, contre Cohn-Bendit, qui a relancé le désordre. Pour lui, on ne va pas assez loin dans le sens de la patience ; pour le Général, on y est allé beaucoup trop loin. Pompidou, tantôt suit sa pente qui est celle de Grimaud, tantôt fait une concession au Général qui va dans le sens inverse. Le résultat est un peu cahoteux.

    « Je ne crois pas que l'État puisse être emporté »
    Conseil du jeudi 23 mai 1968 .
    Le silence se fait à l'arrivée du Général. Comme insensible à la pression des événements, le Conseil déroule son ordre du jour. On parle du régime fiscal de la Nouvelle-Calédonie, du développement du Nord. Le Général évoque, mais brièvement, son voyage en Roumanie. Son retour accéléré fait la transition : Fouchet puis Jeanneney font le point du désordre dans la rue et dans l'économie. Après leurs longues interventions, le Général se concentre un moment, puis :
    « Je vais demander à chacun de vous de s'exprimer. Je m'en vais vous dire d'abord ce que je pense de la situation.
    « Nous nous trouvons dans un certain pays, dans une certaine société, qui sont emportés par une transformation, avec une étendue et sur un rythme jamais connus. C'est un pays qui n'a peur ni de la guerre, ni de la misère. Il ne connaît ni angoisse intérieure, ni angoisse extérieure. Il assiste à un mouvement, à un progrès qui le dépassent, parce qu'ils tiennent à des causes qui le dépassent et qui tiennent en un mot : la civilisation technique et mécanique. Alors, il est troublé dans tous ses éléments, notamment dans sa jeunesse.
    « Il ne faut pas être étonné qu'à un moment ou à un autre, il y ait eu une manifestation nationale — et internationale, mais comme toujours nous montrons la voie.
    « Le trouble, on le ressent de haut en bas, et spécialement dans ce qui s'agite le plus, l'Université.
    « L'Université est mal organisée, pas du tout adaptée à son objet.Elle est depuis longtemps dans la pagaille. On aurait pu depuis longtemps faire un certain nombre de choses que l'on n'a pas faites. Je passe, mais tout le monde comprend ce que je veux dire. De même, pour l'ordre public. Il est possible que l'on aurait pu agir plus vite et plus fermement, dès le début des désordres dans la rue. »

    Le Général s'adresse directement au Premier ministre, qui lui fait face : « Votre psychologie a été de laisser faire, de laisser venir. Cela peut se concevoir, à condition de ne pas laisser franchir les bornes au-delà desquelles l'État aurait été atteint.
    « Mais à quoi bon épiloguer ? Le fait est que, sous l'effet du détonateur qu'a été le monde estudiantin, les

Weitere Kostenlose Bücher