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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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souvenez, celui qui a défoncé le cabriolet de Geismar 1 . Il me déplaît vraiment d'y renoncer. Du reste, comment trouver assez d'essence pour faire l'aller et retour sur Paris ? Excusez-moi auprès du Général, mais je me heurte à une impossibilité matérielle. » La Chevalerie raccroche sans argumenter, mais sans me cacher sa surprise.
    Puis, réflexion faite, je me dis que je ne peux pas bouder une invitation du Général. Sa lettre de mardi m'a touché. Je ne peux y répondre d'une façon aussi cavalière. Je m'arrange pour avancer la fête de Maurice, pour dénicher de l'essence et pour demander à l'aide de camp d'ajouter mon quart d'heure à ceux des autres ministres remerciés...
    L'essence : j'appris plus tard que le Général, à la fin du Conseil du 30 mai, avait prononcé cette phrase sibylline : « Il faut faire l'opération essence. » L' « opération essence » avait été montée dans le plus rigoureux secret par Guichard, ministre de l' Industrie, et André Giraud, son directeur des carburants 2 . Ils avaient concentré dans le bois de Boulogne d'importantes réserves du précieux liquide, afin de ne les libérer qu'au moment opportun. C'est donc le Général qui donna le feu vert, au moment précis qu'il fallait, pour que les Parisiens retrouvent le 31 mai la liberté de partir sur les routes d'une Pentecôte presque normale. Le Général, lui, avait retrouvé les réflexes du commandement.

    « Vous avez été relevé le premier parce que vous aviez été le premier sur la brèche »
    Salon doré, dimanche 2 juin 1968, 19 heures.
    Le Général doit être fatigué d'avoir consacré son week-end de Pentecôte à dix exécutions. Pourtant, il ne paraît pas pressé, les quatre « institutionnels » du soir 3 n'étant pas là le dimanche pour lui faire rapport.
    GdG (paternel) : « Dans une grande crise comme celle que nous venons de traverser, la bataille use vite les hommes. Il est normal, après une pareille secousse, qu'on relève les hommes qui ont été au feu. Je l'ai toujours fait, même pour des secousses bien moindres, depuis que je suis aux affaires. C'est comme au combat. Une unité qui a été durement engagée est ramenée à l'arrière, pendant que les réserves prennent sa place sur le front. Vous avez été relevé le premier parce que vous aviez été le premier sur la brèche ; c'était meilleur pour vous. (Il a dû servir le même raisonnement bienveillant à tous ceux qui viennent de me précéder, même si la dernière phrase est plus personnelle.)
    AP. — Je ne discute aucunement votre décision. Je vous ai spontanément proposé, après la première nuit des barricades, de remettre mon portefeuille à votre disposition, pour le cas où vous jugeriez qu'un changement d'homme à ce poste contribuerait à résoudre la crise. Après avoir entendu le soir même le discours du Premier ministre, je lui ai écrit pour lui donner carrément ma démission. Puisque la politique qu'il annonçait était contraire à celle que vous nous aviez prescrite, un nouveau ministre pourrait renouer les fils plus aisément, avec les universitaires comme avec les étudiants. Ce qui m'a surpris, c'est qu'on attende dix-sept jours pour donner suite à cette offre, et que mon départ soit détaché de celui des mes autres collègues relevés de leurs fonctions.
    GdG (un peu sec). — Votre démission a été rendue publique un peu plus tôt que les autres, parce que vous l'aviez offerte dès le début des événements, tandis qu'aucun des autres ne l'avait fait. Cette relève était indispensable, pour vous et pour tous ceux qui ont été engagés au plus fort de la bataille. Mais pour les autres, il fallait une occasion qui ne s'est présentée que le surlendemain.

    « Le Premier ministre me répétait qu'il fallait lâcher du lest »
    AP. — Ce qui m'a surpris, c'est qu'on ait choisi pour annoncer ma démission le jour où tout paraissait s'effondrer, où les accordsde Grenelle étaient rejetés par la base, où le parti communiste exigeait un gouvernement populaire, où Mitterrand annonçait sa candidature à l'Élysée... Non seulement l'annonce de mon départ apparaissait comme un détail insignifiant au milieu d'une tragédie nationale, mais, dans le Landerneau politique, j'avais l'air d'être la cause de cet écroulement général.
    GdG (persuasif). — Le Premier ministre, depuis quelques jours, me répétait qu'il fallait lâcher du lest. Vous, c'était commode puisque vous aviez pris

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