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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Conseil des ministres n'aura pas lieu, mais est reporté au lendemain à 15 heures. Pourquoi se lier les mains, s'exposer à devoir annoncer un nouveau report, s'il pense à faire sa demeure à Baden ? Le Conseil a bien lieu à l'heure prévue.
    Il avait mis au point mardi un scénario minimum, dont le dénouement se ferait à Paris et en deux jours. Il était certainement ouvert à toutes les autres « éventualités », prêt à toutes les improvisations. Mais il avait son programme, et il n'était pas dicté par la panique.
    En insistant pour que de Gaulle quitte son environnement militaire et rejoigne Paris au plus tôt, Massu n'a fait que souffler à l'acteur un moment troublé le texte dont il était aussi l'auteur.
    Leur entretien a été décisif pour que le Général confirme le point de départ de l'offensive : non pas Baden, mais Paris. Mais il n'aurait jamais suffi à transformer un homme réellement vidé de toute énergie en un chef résolu à subjuguer les Français. Cette mue, c'est en de Gaulle lui-même qu'elle avait son secret.

    « Il fallait que l'armée d'Allemagne soit une carte maîtresse »
    Je me répète sa phrase :
    « Il fallait que l'armée d'Allemagne soit une carte maîtresse, mais il valait mieux ne pas avoir à s'en servir. »
    L'armée d'Allemagne : un ensemble solidement organisé, conçu pour le mouvement, commandé par un soldat équilibré, un bon chef, un homme sûr.
    Mais face à un déchaînement de violence, la meilleure desarmées ne sait faire qu'une chose : tirer. Comme en 1795, quand Bonaparte canonne les royalistes sur les marches de Saint-Roch. Comme en juin 1848, quand Cavaignac mitraille les ouvriers. Comme en 1871, quand Galliffet reconquiert Paris contre les communards. De Gaulle savait ce que ces fractures avaient d'irréparable. Mais il ne fallait pas dire d'avance qu'elle ne tirerait en aucun cas. Et il fallait être sûr que, l'ordre de tirer venant, elle l'exécuterait « sans hésitation ni murmure ». Et que personne ne puisse en douter. Il voulait que l'on sût que l'armée était prête à intervenir si la rue voulait s'emparer du pouvoir hors des règles de la Constitution, qui donne la souveraineté au peuple tout entier et non à une fraction du peuple, si audacieuse soit-elle.
    De cela, le Général voulait s'assurer auprès d'un vieux compagnon, éloigné de lui depuis huit ans, qui lui parlerait sans malice ni prudence. D'ailleurs, le message décisif de Massu ne fut pas militaire, mais politique. Des exhortations qu'il a pu lui adresser, aucune ne pouvait être plus forte que celle-ci : « Le peuple vous a donné sa confiance. Vous ne pouvez pas la trahir. » Il le renvoyait à son honneur.

    « Je pourrais signer des décrets à Baden »
    Me revient à l'esprit ce que le Général m'avait dit le 9 septembre 1964, en partant pour l'Amérique du Sud :
    « Je pourrais signer des décrets à bord du Colbert, comme je pourrais le faire là où une force française est stationnée ; je pourrais en signer à Dakar ou à Baden. »
    Comme Napoléon réformant la Comédie-Française à Moscou, de Gaulle aurait pu gouverner la France depuis Baden ? Il n'est pas étonnant qu'il y ait pensé. Mais cette position était-elle tenable au-delà de quelques heures ? Une invasion justifiait que, en 1940, la légitimité se réfugie à Londres. En 1968, où était l'invasion ? Elle était interne, et la légitimité ne pouvait pas se reconstruire de l'étranger.
    Mais de Gaulle pouvait avoir cette idée bizarre : reconquérir la France à partir de Strasbourg ou de Metz. Metz, dans cette Lorraine que voulait rejoindre Louis XVI en 1791, et à partir de laquelle celui-ci comptait reconquérir le pays en isolant la capitale et en s'appuyant sur la province. Quel symbole : réussir la « fuite à Varennes » ! Toujours cette obsession de reprendre l'histoire de France aux aiguillages où elle s'est fourvoyée.
    Pourtant, ce ne fut pas son choix. Il connaissait cette constante de notre histoire : les régimes se font et se défont à Paris : 14 Juillet, 10 Août, Thermidor, Brumaire, les Trois Glorieuses, Février 48, 2 Décembre, 4 Septembre. Et les révoltes de province ne se sont jamais communiquées au reste du pays. Celles de Toulon, de Lyon,de la Vendée, après tant de jacqueries ou de révoltes de villes, n'ont pas entraîné de contagion, mais ont été écrasées. Henri IV n'a gagné que quand il s'ouvre Paris ; et c'est la descente des Champs-Elysées d'août

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