Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
font de même. La tache d'huile se répand.
    « 6. Le PC et la CGT, n'ayant pas réussi à éliminer les gauchistes, comprennent qu'il ne leur reste plus qu'à monter dans le train en marche pour leur en arracher le contrôle. Ils y réussissent. Les quelques centaines de meneurs gauchistes sont exclus du jeu.
    « 7. Grenelle a failli réussir, mais, ayant échoué, conduisait tout droit à la fin du régime ; le retournement du 30 mai nous en préserve et les élections législatives, que vous avez imposées, assurent le triomphe.
    Pompidou. — Bien sûr, le secteur social s'est enflammé. C'était forcé. Mais il se serait enflammé plus encore si on avait voulu camper sur une position de force.
    « Il y a un moment très important que vous ne mentionnez pas : c'est la manifestation du 13 mai. Elle a prouvé par son ampleur que la classe ouvrière se solidarisait avec les étudiants. Mais aussi elle les noyait dans sa masse. Elle les marginalisait. On retombait sur des problèmes classiques. Si cette manifestation a été pacifique, c'est parce que j'avais démontré que le gouvernement n'était pas l'agresseur, mais qu'il était raisonnable. J'ai mis les Français de mon côté. Croyez-moi, c'est mon geste d'apaisement qui a sauvé la République, et le Général par-dessus le marché.
    « Le samedi soir, en revenant de Kaboul, je lui ai dit : "Pour votre figure historique, vous ne pouvez pas avoir du sang sur les mains, le sang des étudiants, le sang de la jeunesse. Vous avez été malheureusement engagé en première ligne par mon absence. Maintenant que me voici, laissez-moi agir. Reprenez de la hauteur.Restez à l'abri de tous les troubles." C'est ce qu'il fallait faire, la suite l'a prouvé.
    AP. — Entre une répression sanglante et ce qui a été interprété comme la victoire de la violence révolutionnaire, je pense qu'il fallait trouver un moyen terme. Vous avez évité le pire, quand la crise a explosé. Mais, avant la crise, il me semble qu'on aurait pu, si la Justice et l'Intérieur avaient été moins timorés, mettre rapidement les meneurs hors d'état de nuire. On se serait épargné des semaines de grands troubles, dont nous serons bien longs à nous remettre et dont peut-être le Général ne se remettra jamais. »
    Pompidou, avec un geste un peu agacé et sur un ton un peu dédaigneux : « On peut toujours refaire l'histoire.
    AP. — Tout de même si c'était à refaire, que souhaiteriez-vous que je fasse — alors que je ne l'ai pas fait ; ou que je ne fasse pas, alors que je l'ai fait ?
    Pompidou (il réfléchit un moment, sans me quitter des yeux). — Une seule chose. Quand vous avez demandé que Fouchet expulse Cohn-Bendit et qu'il vous l'a refusé 2 , vous auriez dû faire appel à mon arbitrage, car je ne l'ai su qu'après. »
    Mais il a raison : l'écriture conditionnelle de l'histoire est vaine. Il secoue la tête : « Il y a une telle disproportion entre l'insignifiance des causes et l'ampleur des conséquences, qu'aucune analyse intellectuelle n'est satisfaisante pour l'esprit. J'ai entendu une seule explication rationnelle de ces événements irrationnels. Un astronome m'a démontré qu'au cours de ce printemps, il y avait eu des éruptions solaires très puissantes, d'où des radiations qui tapaient sur le système des gens les plus fragiles, c'est-à-dire les jeunes. Ça expliquerait cette simultanéité dans tant de pays. »
    Il dit cela en ayant l'air d'y croire. Je suis si saisi que je préfère ne pas approfondir. Mais ce doit être sa façon de dévaloriser les explications qui se veulent rationnelles. Il choisit la plus délirante pour les récuser toutes. Il s'en tient à l'irrationnel — vaincu par le bon sens.

    Pompidou : « Il partait à Baden pour ne plus revenir »
    Je change de sujet.
    AP : « Comment interprétez-vous l'équipée de Baden ?
    Pompidou. — C'est tout simple : il partait pour ne plus revenir.
    (Je garde pour moi, évidemment, l'explication que m'a donnée le Général le 14 juin.)
    AP. — Mais quand il est revenu l'après-midi à Colombey et qu'il vous a appelé, vous lui avez bien dit : "Vous avez gagné." Vouspensiez donc que l'inquiétude dans laquelle il avait plongé les Français avait été efficace.
    Pompidou. — Elle n'a été efficace que parce qu'il voulait vraiment partir.
    AP. — N'était-ce pas justement son jeu ? Depuis 40, combien de fois il l'a joué : "C'est fini, je m'en vais !" Il a fait semblant de partir dix fois, mais il

Weitere Kostenlose Bücher