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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Beaucoup de choses que nous avons entreprises sont remises en cause. En ce mois de mai, se déroulait à Paris un événement planétaire : les pourparlers entre les États-Unis et le Vietnam. C'était le couronnement de notre politique de paix. Ça aurait dû remplir de fierté tous les Français. Ça a été gâché par la chienlit.
    « Dans le pays, l'ordre va sans doute être rétabli, puisque maintenant on fait ce qu'il faut pour ça 7 . Mais il ne faudra pas refuser d'entendre ce qui a pu s'exprimer au cours de ce mois. Il y a quand même eu le refus d'un système qui ne respecte pas la dignité des gens. Il faudra faire la participation. Si on l'avait faite, en tout cas si on l'avait engagée avec suffisamment d'énergie, je crois bien que nous aurions évité cette foire... Sinon, un jour, tout finira par basculer et nous n'aurons gagné qu'une victoire à la Pyrrhus.
    « Vous pensez bien que ce mois de mai ne s'effacera pas si tôt que ça de l'histoire de France. »
    Ni de sa mémoire.
    Je crois bien deviner qu'il a perdu quelque chose de sa confiance en lui-même.
    1 Le premier tour est fixé au 23 juin, le second au 30.
    2 André Astoux est alors directeur général adjoint de l'ORTF.
    * C'était de Gaulle, t. II, VI e partie, ch. 6.
    3 C'était de Gaulle, t. II, VI e partie, ch. 10.
    4 C'était de Gaulle, t. I, II e partie, ch. 28.
    5 C'était de Gaulle , t. II, VI e partie, ch. 15.
    6 Sans doute est-ce une allusion au message oral que le général Hublot, commandant le corps d'armée de Metz, lui avait fait passer par le général de Boissieu, commandant à Mulhouse et son subordonné. Boissieu avait fait la commission quand il vint voir de Gaulle le mercredi 29 au matin. Peut-être y a-t-il eu d'autres communications de ce genre.
    7 La Sorbonne sera évacuée le surlendemain.

Chapitre 5
    « VOUS PENSEZ BIEN... »
    En route vers Provins, 14 juin 1968.
    Tandis que je roule vers Provins, je rumine ces étonnantes demi-confidences. « Vous pensez bien... » En tout cas, lui, il a beaucoup pensé ! Depuis le 3 mai, où il estimait suffisant de mettre quelques centaines d'étudiants « au clou » et de disperser les autres à coups de pèlerines et de bâtons blancs. Depuis le 5 mai, où il disait à Fouchet qu'un ministre de l'Intérieur doit savoir donner l'ordre de tirer, et où il prescrivait à Joxe de requérir la prison à tour de bras. Depuis le 9 mai, où il était fâché de mon geste d'apaisement, pourtant si précautionneusement entouré de conditions. Depuis le 11 mai, où il acceptait que le geste d'apaisement de Pompidou ne soit accompagné d'aucune condition. Depuis le 19 mai, où il exigeait l'évacuation de la Sorbonne et de l'Odéon dans les vingt-quatre heures. Depuis le 24 mai, où son discours avait « mis à côté de la plaque ». Depuis le 29 mai, où il envisageait, entre autres hypothèses, de rester à Baden, le temps que les Français choisissent entre son retour au pouvoir et son départ à l'étranger... Quel chemin parcouru !
    Il a revu de près la chronologie exacte de ce mois fou. Pour son entretien télévisé du 7 juin avec Michel Droit, il avait dû s'imposer de reconstituer la séquence exacte des événements, jour par jour, heure par heure. Il avait pris de la hauteur. Il avait dit l'essentiel, en excluant tout ce qui pouvait porter atteinte à l'image de Pompidou, ou faire perdre une voix aux élections. Et il vient d'assener devant moi sur son Premier ministre des propos sans indulgence.
    Ces demi-confidences, je les ai souvent méditées depuis. Sur cette journée mystérieuse de Baden, deux thèses contradictoires ont été émises.
    Une thèse, confortée par le témoignage du général Massu et de ses deux plus proches collaborateurs 1 , par Pompidou et par Foccart, voudrait que le Général ait « perdu les pédales ». Terrassé par une crise de doute, il aurait pris la fuite, tel Achille poursuivi par Hector sous les murs de Troie. Ses forces l'auraient abandonné. Mais le général Massu l'aurait « ramassé à la cuillère », lui aurait« remonté les bretelles » et l'aurait renvoyé vers Paris et vers son devoir.
    L'autre thèse, soutenue par le témoignage du général de Boissieu, veut que de Gaulle a délibérément plongé les Français dans l'inquiétude pour les soumettre à l'électrochoc de son absence, et qu'il a su de lui-même ressaisir la situation insaisissable. Il aurait ainsi accompli une des plus extraordinaires prouesses de l'art

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