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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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1944 qui sacre l'appel du 18 Juin. C'est à Paris, par Paris, que le pays est menacé de dissolution. C'est à Paris, par Paris, qu'il doit retrouver confiance.

    Le Général avait d'autant plus besoin de sentir le pouls de l'armée, que Messmer, appuyé par Pompidou, s'était employé à écarter toute éventualité d'intervention militaire.
    L'armée avait été sortie de la fournaise algérienne ; Messmer avait organisé cette sortie ; il avait ordonné l'armée sur l'axe de la dissuasion. Il redoutait de voir jeter ce bel instrument technique dans une nouvelle fournaise politique.
    Cette préoccupation l'avait poussé à soutenir la stratégie de Pompidou, de Fouchet et de Grimaud : il fallait à tout prix éviter de faire couler le sang, éviter l'affrontement, chercher l'apaisement. Non seulement l'armée ne devait pas se mêler de cette crise, mais on devait éviter de parler d'elle comme recours, même éventuel.
    Dannaud m'écrit, dix ans plus tard :
    « Je me souviens du jour où, affolé d'être obligé de dégarnir la province de tous les escadrons de gendarmerie mobile et des compagnies de CRS, pour les jeter à la demande de Grimaud dans le gouffre parisien, et conscient de la tâche surhumaine que nous donnions aux préfets de tenir la province avec leurs mains nues, je demandai au ministre des Armées de placer au moins une section d'infanterie à l'intérieur des grilles des préfectures et aux points sensibles, sans aucune mission opérationnelle, mais pour affirmer statiquement une présence de l'État. Le ministre des Armées refusa catégoriquement de "mouiller le contingent". »

    Je rumine aussi ces phrases terribles sur Pompidou. Ne sont-elles pas injustes ?
    Pompidou, Fouchet, Grimaud, les trois hommes sur lesquels reposait l'ordre public, ont-ils vraiment fait le contraire de ce qu'il fallait ? Si les fusils avaient envoyé d'autres projectiles que d'inoffensifs engins lacrymogènes, la foule, après avoir formé un cortège derrière des dizaines de cadavres, aurait sans doute tout saccagé, tout renversé, comme elle l'avait fait en 1830, en 1848 et en 1871. Mais si de Gaulle n'avait pas inquiété les Français par sa disparition et ne les avait pas galvanisés par sa brève harangue, qui peut dire que la révolution n'allait pas l'emporter ? Ensemble, ils avaient évité le pire.
    1 Le général Mathon, son chef d'état-major, et le commandant Delclève, son aide de camp. J'ai recueilli directement leur témoignage, le premier étant venu me retrouver à Provins, où le second poursuivait sa carrière dans notre régiment de hussards.
    2 On a glosé sur les « volumineux bagages » apportés à Baden. Philippe de Gaulle, témoin direct, m'a assuré peu de temps après qu'il n'y en avait pas. Comment les aurait-on transportés ? Les cinq places du premier hélicoptère étaient occupées par le pilote, le copilote, le général de Gaulle et Mme de Gaulle, Flohic ; quatre places du second hélicoptère par le pilote, le copilote, le médecin et l'officier de sécurité ; il ne restait que la cinquième place pour y entasser les bagages de tout le monde, cela ne pouvait pas aller très loin.

Chapitre 6
    POMPIDOU : « TOUT CE QUE LE GÉNÉRAL A VOULU FAIRE S'EST ÉCROULÉ »
    Au début de septembre 1968, aux journées parlementaires de La Baule, Pompidou est venu, tout sourire, vers Fouchet et moi, qui bavardions. Il nous invite à déjeuner dans la deuxième quinzaine du mois. « Il vaut mieux deux déjeuners en tête à tête ; à trois, on ne se dit rien. » Dès qu'il s'est éloigné, Fouchet me souffle : « Je suis sûr qu'il veut nous parler de Mai. Il est inquiet de ce que nous pouvons en dire. Il veut nous séduire et nous mettre dans son camp, de peur que nous ne ratifiions le jugement sévère que porte sur lui le château. Vous savez bien ce que dit le Général à qui veut l'entendre : que l'inondation est venue du fait qu'il a ouvert toutes grandes les vannes à son retour d'Afghanistan, et qu'il a de nouveau tout lâché à Grenelle. »

    Pompidou : « Pourquoi la France a-t-elle fait exception ? »
    Maison de l'Amérique latine, 27 septembre 1968.
    Étrange déjeuner qui réunit le député du Cantal, ancien Premier ministre 1 , et le nouveau président de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée, qui fut son ministre pendant six ans. Nous avons enfin la conversation sur le fond devant laquelle nous nous sommes dérobés — quand elle aurait été

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