C'était de Gaulle, tome 3
Grégoire n'a pas autorité pour faire cette confrontation, et encore moins pour en tirer des conséquences. Au pire, M. Grégoire pourra noter que les syndicats donnent beaucoup d'importance à l'augmentation du coût de la vie.
GdG. — L'augmentation des salaires publics n'est pas incompatible avec la stabilité monétaire, à une condition : qu'elle soit en rapport avec la progression du revenu national. »
Après quelques observations des uns et des autres, le Général revient à une question évoquée par le Premier ministre :
GdG : « Quand et comment sera faite la comparaison entre l' évolution du prix de la vie et celle de la masse salariale s'il ne revient pas à M. Grégoire de la faire ? (Il redoute cette "échelle mobile" qui a provoqué tant d'inflation sous la IV e République.)
Pompidou. — Cela se fera dans la seconde phase, celle de la négociation entre les syndicats et leurs ministres de tutelle. Cela dit, on n'a jamais garanti un pourcentage d'augmentation du pouvoir d'achat réel. Et la notion de rattrapage a été catégoriquement écartée. »
« Est-ce que les employés d'EDF partent en masse pour le privé ? »
Conseil du 9 mars 1966.
La seconde phase est en cours, dans un climat plutôt tendu. Pompidou, puis les ministres tuteurs (Pisani pour la RATP et la SNCF, Marcellin 3 pour l'EDF et les Charbonnages) font le point des négociations — les plus dures sont avec l'EDF, où des grèves ont commencé.
Debré : « La procédure Toutée est un énorme progrès. Mais la marge est étroite. Dans le budget, l'augmentation de la masse salariale a été évaluée à 3,5 %. On parle maintenant de 5 % 4 . C'est beaucoup plus ! Surtout que la rémunération des fonctionnaires suivra. C'est une réaction en chaîne. Il ne faudrait pas en tout cas dépasser 5.
Frey. — L'initiative des grèves de l'EDF vient du secrétaire général de la CFDT. Il l' a annoncée dès le mois de novembre. Il prépare une grève générale avec la CGT pour juin prochain.
GdG (ironique). — Peut-on me dire si les salariés de l'EDF désertent l'entreprise ? Est-ce qu'ils partent en masse pour le privé ? Bien sûr que non ! »
« C'est au seul Premier ministre de prononcer la réquisition »
Conseil du 20 avril 1966.
Les augmentations proposées ont relancé l'agitation sociale. Les grèves secouent les services publics depuis le 17 mars. Aujourd'hui même, on cesse à nouveau le travail à EDF-GDF.
Marcellin : « La Société nationale des pétroles d'Aquitaine est en grève. Si le débit de gaz tombe au-dessous d'un certain seuil, on risque de graves incidents techniques. C'est pourquoi je demande au Conseil d'approuver deux décrets de réquisition portant sur vingt techniciens et sur l'usine de Lacq. J'espère ne pas avoir à m'en servir, et les ordres de réquisition doivent demeurer secrets.
Pompidou. — Je ne dirais pas que le climat est à la détente, mais il est à la fatigue. Le public est las. Je crois que, dans le secteur public, on assiste aux derniers soubresauts.
« L'affaire des Pétroles d'Aquitaine est la plus délicate. Je souhaite que la réquisition n'intervienne qu'après une délibération approfondie. C'est vrai que ce sont des gens très bien payés, qui essaient d'abuser de leur situation exceptionnelle. Mais le moment n'est pas bien choisi pour une épreuve de force. On n'a pas alerté l'opinion. Il vaudrait mieux frapper, non par la réquisition, mais par la révocation, et éventuellement par une loi sur le droit de grève dans cette entreprise. D'ailleurs je ne pense pas que les cadres laissent se développer des désordres qui mettraient en péril l'outil de travail.
GdG. — C'est au Premier ministre de prendre la décision. (Puis, baissant le ton, comme pour lui parler en tête à tête.) J'ai l'impression que vous avez raison. Il faut avoir toutes les cordes (j'entends bien cordes, et non cartes) en main, avant d'en jouer. J'ai l'impression que les Pétroles d'Aquitaine font bande à part. Ils veulent jouer leur jeu de leur côté. Ils sont restés en dehors de la procédure Toutée. Puis, quand il y a des difficultés, ils se tournent vers la puissance publique.
« Bon (reprenant le ton de la décision), le principe de la réquisition est décidé, mais c'est au seul Premier ministre de prononcer la mise en oeuvre. »
L'échec de la réquisition des mineurs a laissé sa forte marque dans l'esprit du Général...
« Les beatniks et les blousons noirs
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