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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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permettent face à des camarades de promotions voisines et l'assurance que leur confère la conviction d'avoir un prix Nobel dans leur gibecière: «Vous savez, pour nous scientifiques, le ministre n'a pas d'existence, si ce n'est pour le budget. Il n'a évidemment pas à se mêler de nos affaires, auxquelles il ne peut rien comprendre. Mais il a la capacité de décrocher un bon budget, comme le faisait Palewski en s'appuyant sur le Général. Vous connaissez la manoeuvre ? Vous demandez 10 pour avoir 8. Le secrétaire d'État au Budget sera intraitable, il vous étrillera, il vous refusera de dépasser 5. Si vous faites du charme au ministre des Finances, il vous lâchera 6. Si vous faites la danse du ventre devant Pompidou, il poussera peut-être jusqu'à 7, et encore, ce n'est pas sûr, il n'aime pas la recherche. Mais si vous montez jusqu'au Général, il vous fera donner 8. Bien sûr, pour ne pas user votre crédit, ne demandez l'arbitrage de l'Élysée que sur un point. C'est-à-dire sur les programmes du CNES ! »
    Ce n'est pas mal vu. Mais si chacun des directeurs des organismes dépendant de moi fait le même raisonnement...
    1 C'était de Gaulle, t. I, I re partie, ch. 12.

Chapitre 3
    « LA BOMBE H, MON INSTINCT ME DIT QU'ILS N'Y ARRIVERONT PAS »
    Depuis la création du Commissariat à l'énergie atomique en octobre 1945, depuis la première explosion nucléaire à Reggane en février 1960, depuis la première explosion thermonucléaire à Mururoa en août 1968, tout n' a-t-il pas été dit sur l'aventure de l'armement atomique français ? Non. Ce domaine a été si noyé dans la polémique, si fortement entouré de secret, si protégé par les tabous, que ceux même qui ont assuré les progrès s'en sont défendus, et que bien des éléments du dossier sont encore ignorés, même des responsables. On croit que de Gaulle a joué un rôle décisif pour accélérer les préparatifs de la bombe A. Or, son arrivée à Matignon, en juin 1958, n'a pas avancé d'un jour le calendrier arrêté depuis 1957 par Félix Gaillard. En revanche, on ne sait pas que le Général a joué un rôle décisif pour la préparation de la bombe H. S'il n'avait pas pesé avec l'âpreté qu'on va voir pour que la France se hisse au niveau thermonucléaire, on peut être assuré qu'elle n'y serait jamais parvenue.

    Le 27 janvier 1966, ma première visite de laboratoire effectuée dans mes nouvelles fonctions se fait dans le sillage du Général. L' administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, Robert Hirsch 1 , le haut-commissaire Francis Perrin 2 , le directeur des applications militaires Jacques Robert 3 et moi attendons sur les marches du centre secret de Limeil. C'est là qu'a été mise au point la formule de la bombe A. C'est là que doit l'être celle de la bombe H.

    « Mais vous savez dans quelle voie vous devez chercher ? »
    La voiture du Général se range devant le perron à la minute près. On nous fait revêtir des blouses blanches destinées, paraît-il, à nous épargner des contaminations éventuelles. Cet accoutrement auraitravi journalistes et photographes, si cette visite n'avait été aussi protégée que le sont les recherches elles-mêmes. Nous parcourons ensemble au pas de charge les laboratoires, au milieu de commentaires auxquels je ne comprends absolument rien, et le Général, je suppose, pas davantage. Ensuite, on nous fait asseoir pour le briefing ; mot qui agace visiblement le Général, mais qu'il s'abstient de commenter. Il pose des questions sur la durée des études qui restent à faire avant les premiers essais thermonucléaires. Les réponses sont vagues :
    « Si nous avions découvert le procédé, nous saurions à peu près combien de temps il nous faudrait pour le mettre en oeuvre. Aujourd'hui, nous ne tenons pas encore la solution.
    GdG. — Mais vous savez dans quelle voie vous devez la chercher ?
    — Pas vraiment. La bombe H, ce n'est pas une bombe A améliorée. C'est un principe complètement différent, que les Américains ont découvert, que les Russes et les Anglais ont trouvé à leur tour, les premiers par espionnage, les seconds grâce à leur osmose avec les Américains. Nous, nous sommes seuls. Personne ne nous aide. Nous examinons plusieurs pistes et nous les expérimenterons dans le Pacifique dès que nous y verrons assez clair. »
    Le Général demande à Robert :
    « N'y aurait-il pas moyen d'accélérer les choses ? »
    Le directeur des applications

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