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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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veut dire quoi ?
    AP. — Ils savent mieux s'organiser que nous. Quand des entreprises ne progressent pas, les actionnaires basculent leurs dirigeants... à la benne verseuse ; et les dirigeants en font autant avec les cadres. Leur système est impitoyable. D'ailleurs, les entreprises européennes, à commencer par les anglaises et les allemandes, embauchent seulement des cadres qui ont appris à travailler dans des sociétés américaines.

    « Alors, les Américains vont nous racheter ? »
    GdG. — Vous voulez dire que les Américains réussissent mieux en Europe que les Européens ?
    AP. — Exactement. La Communauté européenne offre de magnifiques occasions de se développer, mais les entreprises américaines en profitent plus que les entreprises européennes.
    GdG. — Alors, les Américains vont nous racheter ?
    AP. — Ils en ont pris le chemin. Pour les calculateurs et en général pour l'équipement électronique, leur domination est écrasante.Vous m'aviez dit, il y a trois ans : nous payons les Américains pour qu'ils nous achètent 1 . C'est de plus en plus vrai. Nos épargnants préfèrent financer des emprunts américains sur le marché européen, plutôt que des emprunts nationaux. Et nos gouvernements se disputent pour offrir des subventions budgétaires, de manière à attirer les investissements chez eux. Les Américains mettent l'implantation de leurs entreprises aux enchères.
    GdG. — Il n'y a pas de chances que les gouvernements européens s'entendent entre eux pour faire front commun ?
    AP. — Je ne crois pas qu'elles soit grandes. Et aucun pays ne peut se défendre séparément. Au début de votre premier septennat, vous aviez adopté, avec Michel Debré, une attitude très positive envers les investissements américains. Depuis 1963, nous avons été restrictifs. Mais la preuve est faite que nous avons avantage à favoriser ces implantations ; sinon, ce sont nos concurrents qui en profitent.

    GdG. — Et si on nationalisait ces entreprises américaines ?
    AP. — On ne nationaliserait que les bâtiments et les machines. On ne nationalisera pas le savoir-faire. Or, c'est là le plus inquiétant. Les Américains développent leurs moyens de recherche et leur capacité d'invention, en partie grâce aux bénéfices qu'ils font chez nous.

    GdG. — Vous voulez dire que nous allons devenir des sous-traitants, des satellites ?
    AP. — Pas nécessairement. Si nous investissons dans la recherche scientifique et surtout technologique, nous devrions échapper au déclin.

    « Comme toujours, les patrons sont inconscients du danger »
    GdG. — Finalement, vous croyez que les investissements américains, c'est un bien ou un mal ?
    AP. — L'un et l'autre. C'est un bien dans la mesure où ils nous secouent, où ils nous font connaître des techniques nouvelles. C'est un mal, si les Américains mettent la main sur nos secteurs stratégiques.
    GdG. — Comme toujours, les Français, et particulièrement les patrons, sont inconscients du danger. Leur pouvoir d'achat progresse. La mainmise américaine n'est pas douloureuse. Pas de raison de s'inquiéter ! De même qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter, quand les Allemands ont occupé la rive gauche du Rhin. »
    Après un silence, il reprend : « Vous avez dit qu'il y avait en Russie à peu près autant de chercheurs qu'en Amérique, mais vous avez parlé du danger américain et pas du danger russe.
    AP. — La recherche en Union soviétique constitue peut-être une menace militaire, mais pas une menace technologique ou économique. Les chercheurs européens désertent l'Europe pour les États-Unis, pas pour la Russie.
    GdG. — Et si nous développions la coopération scientifique et technique avec l'Union soviétique, comme nous avons commencé à le faire pour la télévision en couleur ?
    AP. — Ce serait peut-être une voie fructueuse. Mais il ne faut pas se dissimuler que les chercheurs soviétiques sont fascinés par la technologie américaine. Ils sont à sa remorque.
    GdG. — Eh bien, en somme, il faut compter sur nous-mêmes. Nous le savons depuis toujours. »
    Au ministre donc de mobiliser et entraîner la ressource nationale. Ce n'est pas du tout le sentiment de la plupart des scientifiques. Je ne raconte pas au Général le point de vue franchement exposé par l'un d'eux, Jacques Blamont, directeur des programmes du CNES, physicien que j'ai connu à l'École normale. Il m'a déclaré, avec la franchise que des « archicubes » se

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