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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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doutais. »

    « Nous aurons perdu notre rang ! »
    Il s'arrête quelques secondes, comme pour maîtriser sa colère, puis me toise sévèrement :
    « Il n'en est pas question ! Ils croient que, du simple au double, personne ne verra la différence. Vous vous imaginez que les Américains et les Soviétiques, avec leurs avions sondeurs, leurs chalutiers et leurs sous-marins, ne s'en rendront pas compte ? Ils sauront aussitôt à quoi s'en tenir. Nous serons restés au seuil. Parmi les cinq puissances nucléaires, nous serons la seule à ne pas être arrivée au niveau thermonucléaire. Le secret porte sur le procédé, il ne porte pas sur les résultats ! On ne pourra pas les cacher. Moscou etWashington se chargeront de les faire connaître. Tout le monde saura que nous avons échoué. Nous aurons perdu notre rang ! Et puis, il y a sûrement des raisons techniques qui font que les Américains, les Russes et les Anglais ont abandonné les bombes A quand ils ont pu avoir des bombes H.
    AP. — En effet, on avance au moins deux raisons techniques. La première, c'est que le thermonucléaire, étant beaucoup plus puissant à volume égal, se prête à une miniaturisation beaucoup plus forte. Si nous avons la capacité thermonucléaire, nous aurons la faculté de faire des bombes tactiques ou des têtes de fusées plus légères. Ça ouvre bien davantage notre panoplie. D'autre part, les bombes A peuvent être neutralisées par ce qu'on appelle l'effet neutronique : des dispositions préventives prises par l'ennemi en altitude empêcheraient la réaction en chaîne de se produire comme prévu dans une bombe qui aurait eu à traverser cette atmosphère ; autrement dit, elle deviendrait un pétard mouillé.
    GdG. — Alors, vous voyez, comment hésiter ! Notre bombe A est une étape. Nous mettons sur pied, à partir d'elle, un armement intérimaire. Mais il est exclu que nous nous en contentions ! Si nous ne pénétrons pas dans le sanctuaire thermonucléaire, notre armement ne sera pas dissuasif à l'égard de ceux qui détiendront l'arme absolue. »
    J'affirme au Général une nouvelle fois, mais avec une inquiétude croissante, que je ferai tout mon possible pour accélérer la marche.

    Mon possible a la forme d'un « comité H » dont j'ai annoncé le projet à Hirsch, en Polynésie : l'administrateur du CEA, le haut-commissaire, le directeur des applications militaires et ses principaux collaborateurs se réuniront autour de moi au moins une fois par mois pour faire le point de l'avancement des recherches thermonucléaires. Evidemment, je n'y comprendrai rien. Mais eux, ils comprendront.
    J'ai compris pourquoi le Général s'est alarmé. Son état-major particulier a dû le prévenir que Matignon et les Armées se résignaient à ce qu'on se contente de la bombe A. Puisqu'on n'arrivait pas à « trouver le truc » pour la bombe H, eh bien, tant pis ! on se contenterait de la « bombe A exaltée ». Posséder la demi-mégatonne, qui était maintenant assurée, ou la mégatonne dont on avait rêvé, quelle importance ? Déjà, les Armées, qui payaient la note 1 , la trouvaient suffisamment salée. Il fallait impérativement laisser tomber la « chimère » thermonucléaire.
    Les équipes du Commissariat, évidemment, étaient au courant de cet état d'esprit. Le cercle vicieux du renoncement s'engageait. Puisque ceux qui passaient commande renonçaient à leur commande, pourquoi vouloir en faire davantage ?
    1 La Direction des applications militaires du CEA, bien que placée sous l'autorité du ministre de la Recherche, était subventionnée par le ministère des Armées.

Chapitre 12
    POMPIDOU: « NE POURRAIT-ON PAS AVOIR DES TUYAUX PAR UN ATOMISTE AMÉRICAIN OU ANGLAIS ? »
    Matignon, 27 septembre 1966.
    Comme je l'ai fait auprès du Général, je prends les instructions de Pompidou à la veille de ma mission en URSS.
    Il est curieux du projet de chambre à bulles de Serpoukhov. « Qu'est-ce qu'une chambre à bulles ? » me demande-t-il. Éclairé par mes explications, il conclut jovialement : « Oui, c'est de la fichaise... Si l'on pouvait s'arranger pour que cette machine de Serpoukhov nous débarrasse une bonne fois pour toutes du grand accélérateur 1 ! Mais il n'y aura pas beaucoup de scientifiques volontaires pour aller séjourner en Russie ! Ils sont volontiers communistes, mais à condition qu'on ne les oblige pas à vivre en pays communiste ! »

    Pompidou: « Pas question de faire des tirs aériens à

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