C'était De Gaulle - Tome I
République. Ces institutions existent. Nous les avons mises en place. Elles ont fait leurs preuves. Avec elles, nous avons traversé des drames qui auraient emporté dix fois les précédentes Républiques. Nous avons accompli une œuvre de réorganisation. Nous avons réalisé un changement complet des rapports avec nos colonies, lesquels sont devenus ce qu'on pouvait faire de mieux. À l'extérieur, nousavons acquis une influence, un prestige que nous n'avions pas connus depuis bien longtemps. Nos institutions sont en train de réussir. Notre devoir est de les maintenir. Elles ont été faites, dans une large mesure, à cause de et par celui qui vous parle. C'était naturel: je représentais et je continue de représenter un certain nombre de choses essentielles, un capital moral qui se confond avec la patrie.
«Il ne faudrait pas que la disparition d'un homme mette en cause tout ça et rejette le pays dans l'aventure, ce qui serait instantané si on dévoyait les institutions.
«Nous avons maintenu le Parlement, qui détient le pouvoir législatif. Nous avons mis des correctifs, de manière qu'il ne dispose plus du gouvernement. Mais il a le droit de renverser le gouvernement. Donc, nous avons un régime parlementaire, comme on dit.
« Que mon successeur soit élu du peuple et non des partis »
«Le gouvernement est coordonné par le Premier ministre, lequel a des attributions qu'il a le moyen d'assumer. Il est rehaussé par la nouvelle relation qui s'est établie avec le Parlement. Tout n'est possible et ne le sera que s'il émane du Président de la République. Il ne dépend pas de majorités variables. Il tire sa source du responsable suprême. C'est l'innovation capitale de 1958. Nous avions souffert, sous les deux précédentes Républiques, de l'absence de cette institution-là. Il n'y avait personne à la tête de l'État. Les attributions du Président sont telles qu'il doit être vraiment le chef de l'État, le garant de l'intégrité du territoire, de l'indépendance de la République, du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le chef des armées, le chef de la diplomatie avec le pouvoir de négocier et de ratifier les traités, de mettre en vigueur les textes internationaux. Il a le droit de dissoudre l'Assemblée. Et si tout craque, il peut prendre tous les pouvoirs... Il est devenu un vrai chef d'Etat. C'est un changement essentiel par rapport aux Constitutions de 1875 et de 1946.
« S'il ne pouvait pas maintenir ces prérogatives, on en reviendrait à la III e et à la IV e , c'est-à-dire au régime des partis, au régime d'assemblée, qui ne correspondrait ni aux circonstances, ni au sentiment public. Les drames renaîtraient comme avant. L'institution présidentielle doit être maintenue après moi.
« J'ai beaucoup réfléchi à ce sujet dès 1958. Il ne m'avait pas paru nécessaire, alors, ni même possible, de conjuguer avec mon élection l'adoption du principe de l'élection présidentielle au suffrage universel. N'importe quel système électoral aurait alors abouti, en ce qui me concerne, au même résultat. Je tenais ma légitimité de l'Histoire. Or, un certain nombre de préventions existaientencore à l'égard de la Constitution elle-même et à l'égard de la fonction présidentielle. Il fallait accoutumer les esprits. De plus, le suffrage universel aurait signifié, alors, qu'il y aurait à peu près autant de citoyens d'outre-mer que de métropole.
« Nous avons donc créé un collège électoral qui dépassait les parlementaires, mais demeurait un collège de notables — en fait, le collège sénatorial. Mais il faut que mon successeur soit élu du peuple et non des partis, de manière à dominer les partis et à les surpasser. Sinon, il deviendrait leur jouet.
« Pour que le rôle du Président, poursuit le Général, demeure ce qu'il est, que les institutions puissent continuer à fonctionner, il faut un accord profond entre le Président et le pays. Cet accord, mon successeur ne l'aura pas a priori. Comment pourrait-il l'avoir, sans que le pays l'ait élu? Il faut donc une modification de la Constitution.
« Je conviens modestement que j'ai introduit le référendum dans nos mœurs»
« Le peuple français est souverain. La souveraineté vient de lui. Il la détient tout entière. Il peut la déléguer, mais il la possède.
« Quand un choix politique peut engager son destin, il est élémentairement nécessaire que le pays fasse lui-même ce choix. Son
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