C'était De Gaulle - Tome I
instinct l'y pousse, et le bon sens aussi. C'est vrai à tous égards, et même au point de vue juridique. Toute modification importante de la Constitution doit procéder du pays lui-même.
« Le référendum est entré dans nos mœurs. Je conviens modestement que je l'y ai introduit moi-même. Il a été utilisé pour faire table rase en 1945, puis pour rejeter une première Constitution, et enfin pour avaliser fâcheusement la Constitution de 1946. En 1958, c'est le peuple qui a adopté la nouvelle Constitution. C'était légitime. On ne pouvait pas imaginer d'autre procédure.
« L'article 3 de la Constitution, qui dit que le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants et par la voie du référendum, ne fait aucune réserve sur l'usage du référendum. Une procédure parlementaire de révision est prévue avec quelque détail à l'article 89, puisqu'il s'agit d'une procédure parlementaire et qu'il faut bien en préciser les modalités. Mais, pour la voie du référendum, la Constitution est beaucoup moins explicite, puisqu'il était beaucoup moins nécessaire de l'expliciter.
«Le Président de la République, selon l'article 11, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics. Ces termes désignent une notion aussi ancienne que la République. La Constitution de 1875 (c'est-à-dire celle qui a fondé la III e République, d'où sont sorties la IV e et la V e ) comportait un titre significatif: Loi portant organisation des pouvoirs publics. Ce terme ne peut pas être soumis à contestation.
« Il faut modifier la Constitution pour la maintenir »
« Pour modifier le collège électoral, on aurait pu penser qu'il aurait mieux valu attendre que le mandat de sept ans que j'ai accepté soit terminé. Mais on peut penser, après ce qui a failli se produire il y a trois semaines et qui pourrait se reproduire, qu'il y aurait désormais de graves inconvénients à attendre. Il est devenu indispensable de faire trancher le peuple, et de le faire trancher rapidement.
« Il ne s'agit pas de changer les institutions, mais de les asseoir. Chacune doit garder ses attributions: le Président, le gouvernement, le Parlement, le Conseil constitutionnel, le Conseil économique et social, etc. Pourtant, l'équilibre de ces institutions ne peut être sauvegardé que si la clé de voûte demeure à sa place. C'est le seul changement indispensable que nous ayons à apporter à la Constitution. Il ne faut la modifier que pour la maintenir.
« Quant à la rédaction du projet de loi sur cette base, on va la mettre à l'étude. Le gouvernement l'arrêtera en ma présence. Puis le projet de loi sera soumis au référendum quand le Parlement sera en session. Il faut qu'il soit publié au moment même de la rentrée. Le Parlement aura la faculté de renverser le gouvernement par une motion de censure. Ce qui n'empêcherait nullement le référendum, et qui poserait seulement la question de la durée de la législature. Si, au contraire, le Parlement s'en accommode, il s'en trouvera bien.
(Autrement dit: "Si le gouvernement est censuré, non seulement je ne renonce pas au référendum, mais je dissous l'Assemblée." Je reste un instant éberlué de l'audace, car s'il y a une chose dont le monde politique ne se doute pas, c'est bien celle-là.)
« Vous êtes des hommes politiques, même ceux d'entre vous qui n'êtes pas hommes politiques de métier. Vous avez des responsabilités politiques devant les Français. Cela peut vous poser un problème. Vous n'êtes pas nécessairement convaincus de ce que je dis. Je comprendrais que vous ne soyez pas d'accord et que vous ne souhaitiez pas assumer la responsabilité d'un changement si important. Ce serait très compréhensible et parfaitement légitime. C'est votre affaire. Vous avez tout le temps d'y penser. Nous ne ferons rien d'autre à notre prochain Conseil des ministres que de répondre à cette question.
« Je ne dirai rien au pays avant le prochain Conseil. D'ici là, chacun de vous pourra se décider. Je ne vous engagerai pas jusqu'à ce que vous vous soyez vous-mêmes engagés.»
« Le suffrage restreint écartera toujours Clemenceau au profit de Deschanel »
Après le Conseil, le Général revient devant moi sur son projet.
AP: « Ne trouvez-vous pas étrange, mon général, que la plupart des juristes, des politiques et des commentateurs négligent la question de fond, l'élection populaire du Président, et ne
Weitere Kostenlose Bücher