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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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pas ce qu'on fera après. L'essentiel est de se débarrasser de lui.
    « Vous savez, ne vous faites d'illusions. Nous connaîtrons ça tant que de Gaulle sera à l'Elysée. Il s'est fait trop d'ennemis depuis vingt-deux ans, en ne ménageant personne, au nom de l'intérêt supérieur du pays. Nous en avons encore pour trente-neuf mois. (Pompidou compte les mois. Il n'imagine donc pas que le Général puisse se présenter pour un second septennat.) La chouannerie a duré dix ans. Sous le règne de Louis-Philippe, il y a eu je ne sais combien d'attentats, sans compter les émeutes locales; le tout couronné par la révolution de 1848. Chez nous, tout est à craindre, tant que nous n'aurons pas réussi à faire accepter le nouveau régime, tant que le pays sera divisé en factions, tant que les rapports entre les gens ne se seront pas détendus. »
    Il décide, finalement, de protéger le Général par des moyens souples: plutôt un convoi petit et rapide, qu'un jalonnement lourd.

    « C'est un complot militaire »
    Frey confirme ses soupçons: «La présence de fusils-mitrailleurs révèle l'origine militaire. C'est une arme de l'armée. Les trafiquants d'armes ne fournissent pas de fusils-mitrailleurs, mais des mitraillettes. Il y avait en outre des grenades de l'armée pour achever le travail, une fois la voiture arrêtée. Il y avait encore du plastic avec une mèche allumée. Les gens trouvaient que nous exagérions en prenant des précautions, qu'il y avait trop de barbouzes, que ça prenait un air de farce... La preuve est faite que c'est un complot militaire.»
    Pour égayer l'atmosphère, je raconte que l'attentat a été connu grâce à Europe 1, qui, par son téléphone rouge 4 , a grillé tout lemonde, non seulement la RTF mais la police. « La voiture radio qui revenait de mon point de presse se rangeait le long du trottoir de la rue François-1 er . Gorini se penche à la fenêtre et crie au vieux technicien qui est au volant: " Papa ! Fais demi-tour et file au Petit-Clamart, il y a eu un attentat contre de Gaulle! "
    — Impensable à la RTF, reprend Pompidou en souriant, si un cadre de la RTF avait traité un technicien de "Papa", les syndicats auraient provoqué une grève pour injure au personnel! »
    Le Premier ministre lève la séance: «L'an dernier, quand on avait arrêté sur place l'auteur de l'attentat de Pont-sur-Seine, on avait dit: " Bizarre ! On l'a tout de suite découvert, ça ne fait pas sérieux, ça devait être un faux attentat." Cette fois, on n'a découvert personne le lendemain. "Étrange ! Que fait donc la police? C'est louche !" »

    Frey a reconstitué le drame à la minute près. Quatre-vingt-dix secondes après la dernière rafale, la DS noire a débouché en trombe à Villacoublay. Les soldats du piquet d'honneur ont écarquillé les yeux en voyant cette voiture criblée de balles. Alain de Boissieu et le chauffeur Francis Marroux ont ouvert les deux portières arrière.
    Le couple présidentiel s'extrait et s'époussette; des débris de verre tombent à terre.
    Mme de Gaulle demande au chauffeur: «Et les poulets, qu'est-ce qui leur est arrivé? »
    Marroux, croyant qu'il s'agit des policiers d'escorte : « Ils sont dans la voiture suiveuse.
    Mme de Gaulle. — Mais non, je les ai fait mettre dans le coffre! » Elle se préoccupait des coquelets qu'elle rapportait à la Boisserie.
    De Gaulle dit à son gendre : «Il faut que je passe la garde d'honneur en revue.» Il faut : dans les moments graves, le Général est toujours soutenu par l'obligation de ne pas porter atteinte à cette statue qu'il habite et qu'il n'a pas le droit de déserter.
    Les six soldats présentent les armes. L'armée salue le chef. Le chef salue l'armée. Il est impassible. Il ne s'est rien passé. C'est de Gaulle.
    1 Quand le Général, le 26 août 1944, avait remonté la nef de Notre-Dame de Paris pour le Te Deum qui allait clore la descente des Champs-Élysées, des coups de feu, tirés des galeries hautes de la cathédrale, avaient éclaté. L'assistance s'était baissée ou couchée. Le Général avait poursuivi son chemin vers l'autel comme si de rien n'était.
    2 Plus tard, une version inverse sera donnée par Alain de Boissieu : le Général avait refusé de se baisser pendant la première rafale, mais avait fini par obéir à son gendre et par se baisser pendant la seconde — ce geste l'aurait sauvé... En tout cas, le destin ne voulait pas que sa vie s'arrêtât ce jour-là.
    3 II n'existait

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