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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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s'intéressent qu'à la question de forme, votre préférence pour le référendum plutôt que pour la procédure parlementaire?
    GdG. — Ce n'est pas étrange du tout! On peut les comprendre. Il est difficile d'expliquer au peuple souverain qu'il n'est ni digne ni capable de choisir son délégué principal, alors qu'il choisit ses délégués secondaires, les députés. Il est plus facile d'insinuer que la méthode que nous allons suivre violerait la Constitution. Autant le simple citoyen dispose du bon sens et de l'instinct qui lui permettront de choisir un Président en connaissance de cause, autant il est hors d'état de faire du juridisme. C'est donc le moyen le plus sûr de verser en lui le venin du doute. Si je ne répondais pas sur ce point, je prêterais le flanc à l'accusation la plus grave, celle de forfaiture 2 , puisque le premier devoir du Président de la République est de respecter et de faire respecter la Constitution.
    AP. — Ce qui me tracasse, c'est que n'importe quel hurluberlu puisse se présenter. Il y a eu sept candidats en moyenne par circonscription aux dernières élections législatives. Il risque d'y en avoir beaucoup plus pour l'élection présidentielle. Ne pourrait-on demander aux parlementaires, ou en tout cas aux 60 000 notables qui forment l'actuel collège présidentiel, de faire une première sélection? Par exemple, seuls pourraient se présenter à l'élection populaire ceux qui auraient recueilli 10 % des voix dans ce collège.
    GdG. — Plus le corps électoral est restreint, plus il est sensible aux cabales et aux mots d'ordre des partis. Plus les électeurs sont nombreux, plus on a de chances d'échapper aux consignes des états-majors. Si vous agitez le contenu d'une baignoire avec la main, vous provoquez une tempête, l'eau déborde. Si vous faites de même dans un lac, il absorbe aussitôt l'agitation et reste tranquille.
    AP. — Mais le tri des candidats sérieux ou farfelus par le collège des élus ne signifierait pas qu'il élirait le Président. L'acte solennel de l'élection resterait l'apanage du suffrage universel.
    GdG. — Vous n'empêcherez pas qu'une pré-sélection soit un pré-jugement. Ce sera un avant-premier tour. Il permettra à n'importe quel clan de peser pour éliminer le meilleur candidat. On retombera dans le vieux système. Ne doutez pas que le suffrage restreint écartera toujours Clemenceau au profit de Deschanel. Ne doutez pas que les notables désigneront toujours le plus faible, le plus irrésolu, le plus inconsistant. Et le classement qu'ils auront institué risque d'influencer irrémédiablement le corps électoral tout entier. Laissez donc le peuple choisir lui-même! Son instinct est plus sûr que celui des partis!

    « Du saute-mouton par-dessus les notoires»
    AP. — Vous ne voulez pas profiter de cette grande réforme pour modifier le Sénat, comme vous me l'aviez dit un jour?
    GdG. — Le Sénat est une institution périmée dans sa composition actuelle. Il est l'émanation des communes rurales qui étaient l'essentiel de la France au XIX e siècle. Aujourd'hui, tel qu'il est, il n'est plus qu'une assemblée qui n'a de légitimité que pour s'occuper d'adductions d'eau. En revanche, un Sénat absorbant le Conseil économique et social acquerrait une légitimité pour donner des avis précieux sur toute la vie économique et sociale de la nation. Mais ce n'est pas le moment. Le prochain référendum doit avoir un objectif et un seul: le mode d'élection du Président; il ne faut pas charger la barque. C'est pour plus tard. »
    Il redresse la tête et s'exalte: «Ce sera le tournant essentiel dans l'histoire de la V e République. Nous allons rompre avec le système des notables, qui avait pour effet de les faire bénéficier d'un coefficient multiplicateur. Cette réforme va dans le sens de l'évolution! Les notables sont une survivance. Ce mode d'élection n'était pas digne de la fonction présidentielle telle qu'elle a été voulue. Nous allons donner un coup d'arrêt à la longue poussée des privilégiés pour accaparer le pouvoir, et donc le destin de la nation. »
    L'œil malicieux, la main sur la poignée de la porte: « Les Français ont été dépossédés par le Parlement de leur souveraineté. Ils vont pouvoir faire du saute-mouton par-dessus les intermédiaires abusifs, par-dessus les notoires. » (Il appuie sur ce mot.)
    1 C'est cette déclaration officielle qui a accrédité l'idée que le référendum sur

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