Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
qu'ils vous disent.
    AP. — Je ne connais pas d'autre moyen de convaincre, que de montrer de la compréhension pour celui à qui on parle. Il y a deux tâches bien distinctes dans mon rôle de porte-parole. D'abord, la conférence de presse après le Conseil des ministres, les déclarations à la télévision et aux radios: c'est officiel; ça engage le gouvernement, et par conséquent vous-même. Et puis, il y a ce que je peux confier, en petit comité, aux rédacteurs en chef, aux éditorialistes, pour leur faire saisir des idées auxquelles ils sont généralement imperméables, pour leur livrer un message qui fasse au moins contrepoids à ce qu'ils entendent de la part de l'opposition ou de l'ambassade américaine. Alors, ça, c'est off, comme ils disent, on ne peut pas me citer, c'est tout en nuances. Je devine bien ce qu'il serait imprudent de dévoiler, et ce sur quoi je peux m'appuyer pour argumenter. »
    Le Général ne me répond pas. Ça signifie sûrement qu'il neveut pas me rendre les armes, mais qu'il me laisse faire, à mes risques et périls. On ne s'attendrait pas à trouver ce respect de la liberté des autres, chez cet homme apparemment rigide et bardé de principes. Façon de me dire (ce qu'il ne fait d'ailleurs pas) : «Faites, puisque vous le sentez ainsi, mais réussissez! Vous serez jugé à vos actes et à leurs résultats. »

    Après le Conseil des ministres du 13 juin 1962, le Général emploie des expressions qui m'enchantent: « Vous pouvez laisser filtrer, mais délicatement... Mine de rien..., laissez entendre que...»
    En deux mois, comme il a changé! Il a peu à peu intériorisé la méthode que je lui suggérais. Cet homme, que l'on dit immuable et intransigeant, passe son temps à muer et à transiger.

    « La loi nous donne autorité sur la télévision »
    Élysée, 18 juillet 1962.
    Le Général me dit: « La télévision est un magnifique moyen de formation de l'esprit public. La loi nous donne autorité sur elle. Pourquoi ne pas s'en servir davantage? Je ne peux pas être le seul à y passer. Pourquoi ne répondez-vous pas aux questions d'un journaliste après le Conseil des ministres? Et le Premier ministre, pourquoi ne se fait-il pas interroger? Je le lui ai demandé plusieurs fois. Il m'a dit: oui, oui, mais il n'en fait rien.»
    Je répercute sur Pompidou cette invite pressante. Il soupire: « Il faudra bien que je m'y mette, mais je ne le sens pas.» Il ne dissimule pas qu'il a « le trac ». «Tant de choses peuvent être gâchées ou compromises en une minute, parce qu'on a dit un mot pour un autre.» Il se prépare pourtant. Il essaie quelques thèmes dans notre petite réunion, plusieurs matins de suite.
    Matignon, 1 er août 1962.
    Pompidou ne peut cacher sa nervosité, tandis que les techniciens de la télévision s'affairent dans son bureau. Il fume cigarette sur cigarette. À la fin de l'interview, qui dure plus d'une demi-heure, il se lève, enjambe les câbles qui encombrent la pièce et vient, l'œil anxieux, vers Guichard et moi: « Alors, comment trouvez- vous ça ? »
    Remarquable. Il a été simple et pédagogue. Son profil bourbonien, ses sourcils épais et ses yeux de diamant noir font merveille. Le mercredi suivant, à la fin du Conseil, le Général le complimente. Ensuite, il réitère devant moi en tête à tête. Sa satisfaction est si vive que je ne peux m'empêcher de penser : « Il est tout heureux, parce qu'il a trouvé son dauphin. Jusque-là, il s'interrogeait. Maintenant, il sait. » Et Pompidou comprend, je l'ai bien senti, qu'il a joué gros, mais qu'il a gagné.

    « Jamais le régime ne s'implantera... »
    Fin septembre 1962.
    Je suis effrayé de l'hostilité qui entoure le Général. Dans les commentaires de presse, dans les «dîners en ville », dans les bavardages des couloirs de l'Assemblée, qui n'a jamais été aussi fréquentée, dans les conversations avec des journalistes, le dénigrement déferle. Pire: la haine. Maintenant que la trêve qu'imposait la guerre d'Algérie est rompue, la guerre politique est déclarée.
    Mais, depuis l'installation de De Gaulle à l'Elysée, cette guerre avait-elle jamais cessé de se dérouler en mineur? La moindre crise, la retraite du combattant, le refus de convoquer le Parlement comme l'exigeaient les organisations agricoles, le dernier discours sur l'Algérie, la dernière conférence de presse sur l'Europe, le retrait de notre flotte méditerranéenne de l'OTAN, les crédits de la force de

Weitere Kostenlose Bücher