C'était De Gaulle - Tome I
suffrage universel dans toute son ampleur: et alors, il ne doit pas y avoir de condition préalable. »
Pompidou fait remarquer que Coste-Floret 2 préconise 150 parrains. Alors, si on veut se concilier le MRP... (rires).
GdG (sans contester l'opportunité d'une telle conciliation) : « Coste-Floret a voulu couper la poire en deux. Coupons-la nous aussi. Allons-y pour 150 ! »
Mais, comme cette remarque fait rire, le Général rengaine sa proposition de compromis et conclut: «Allons! Disons 100. C'est tout de même moins tordu. »
Personne n'ose plus revenir sur le verdict du Général. Pourtant, une forte majorité des ministres demandait 500 ou 1000 au moins. Couve était tout à fait isolé en trouvant que 100, c'était déjà trop (il est vrai qu'il était déjà isolé en se déclarant dès 1958 favorable à l'indépendance algérienne — et l'Histoire lui a donné raison).
GdG : « Il nous reste à fixer la date du référendum.
Pompidou. —Il y a intérêt à aller le plus vite possible. Délai minimum: dimanche 28 octobre.
Grandval. — Si la censure est votée, n'y aurait-il pas avantage à ce que les élections et le référendum aient lieu le même jour ? (Les ministres, comme Grandval, ont assimilé l'avertissement discret du Général: la censure entraînera aussitôt la dissolution. Alors qu'on ne s'en doute pas, en dehors de cette enceinte.)
GdG. — Nous verrons bien. Dans ce cas, ce que notre décret d'aujourd'hui aura fait, un autre décret pourra le défaire. S'il le faut, nous pourrions aligner les deux dates. »
Pompidou expose avec impartialité les raisons pour et contre un décalage de dates.
« Avantages : le premier tour bénéficierait de l'effet de choc produit par les résultats du référendum (s'il est bon !). On constaterait alors un gain entre le référendum et le premier tour — comme entre le premier tour et le second tour des élections législatives de 1958 en faveur de l'UNR. La vague ne peut pas se gonfler si le premier tour est couplé avec le référendum.
« Inconvénients: ceux qui auront voté oui pour de Gaulle au référendum n'éprouveront pas le besoin de recommencer une semaine après. Estimant avoir soutenu de Gaulle lui-même au référendum, ils refuseront de s'engager pour ses soldats la semaine suivante; ou bien encore, ils auront voté pour de Gaulle contraints et forcés, de peur que de Gaulle s'en aille; mais ils se défouleront aux élections. Au contraire, dans la mesure où tout se fait le même jour, il n'est pas possible de mettre dans une urne le bulletin oui et, dans l'autre, un bulletin pour celui qui dit non. »
Pompidou conclut cependant qu'il vaudrait mieux que la date du référendum et celle des élections ne coïncident pas, et que l'on vote trois dimanches de suite: référendum, premier tour, deuxième tour. Après discussion, le Général décide finalement de découpler davantage encore les deux opérations: la campagne législative ne commencera qu'après le référendum.
« Le droit de vote est accordé aux rapatriés »
Je soulève la question des rapatriés, que l'obligation de résidence pendant six mois exclut du scrutin. Je demande qu'ils bénéficient du même régime que les militaires, lesquels peuvent voter là où ils se trouvent.
« Ils vont voter massivement contre nous, mais il serait surprenant que le résultat se joue à quelques centaines de milliers de voix près. Et ce serait un geste élégant, ou simplement équitable, qui contribuerait à les faire entrer dans la communauté nationale, après le traumatisme qu'ils viennent de subir.»
Joxe fait des difficultés: «Un certain nombre de rapatriés n'ont pas intérêt à se faire connaître, car ils ont des choses à se reprocher. Il y a beaucoup de rapatriés honteux, qui se confondent avec l'OAS.
AP. — Raison de plus. Ceux-là ne chercheront pas à s'inscrire.»
Le Général est resté silencieux. J'étais sûr que, dès que les mots d'équité et d'élégance auraient été prononcés, il ne manifesterait pas d'hostilité. Personne ne souffle mot. Il conclut sobrement: « Le droit de vote est accordé aux rapatriés, ou plus exactement à ceux d'entre eux qui se sont fait inscrire dans les services du ministre des Rapatriés.» (Il ne dit jamais ministère : un ministère n'a pas d'existence propre; seul compte le responsable, qui, en l'occurrence, est censé prendre lui-même les inscriptions.)
« Pourquoi l'UNR ne se couperait-elle pas en
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