C'était De Gaulle - Tome I
intervenu — cent parrains — ne satisfaisait aucun des deux, mais il fallait bien que chacun fît un pas vers l'autre.
Plus loyal que différent, ou plus différent que loyal, Pompidou déséquilibrerait le système. Loyal comme un féal et différent comme un esprit libre: c'est ce qui fait son prix pour de Gaulle.
1 Edgar Pisani. De Gaulle écarte sans la désigner la suggestion intermédiaire de Giscard.
2 Professeur de droit, député MRP, ancien ministre.
3 Louis Vallon, chef de file des «gaullistes de gauche », sera député UNR-UDT et rapporteur général du Budget après les élections de novembre 1962. À ce titre, principal inspirateur du Général pour la « participation ».
Chapitre 26
« IL EST DE NOTRE DEVOIR DE FAIRE COMME SI »
À partir du Conseil du 29 août 1962, les comptes rendus sur la situation algérienne, par Joxe jusqu'en décembre, par Broglie ensuite, et les commentaires du Général, prirent une vie indépendante, comme était devenue indépendante l'Algérie. Les occasions de parler d'elle n'étaient plus systématiquement hebdomadaires. Elles s'espaçaient de plus en plus. Mais on avait toujours le cœur serré quand elles revenaient.
« Les repliés devraient pouvoir retourner chez eux »
Dès la veille de l'attentat du Petit-Clamart, le Premier ministre m'a donc averti que j'aurais à prendre en charge les Rapatriés. Leur afflux se poursuit et leur situation s'aggrave. On en parle moins au Conseil, car la préparation de la réforme constitutionnelle accapare l'attention. Raison de plus pour utiliser l'accès privilégié que j'ai auprès du Général, pendant quelques semaines encore, afin de mieux éclairer la voie que je vais devoir suivre. Et d'abord, une coopération paisible va-t-elle pouvoir s'établir entre la France et l'Algérie? C'est elle qui conditionne le caractère définitif ou provisoire des « rapatriements ». Mais elle apparaît de plus en plus problématique.
Salon doré, après le Conseil du 29 août 1962.
AP: «Gardez-vous l'espoir que les rapatriés retournent en Algérie et que la coopération fonctionne?
GdG. — Il faut bien admettre que l'Algérie vit actuellement dans la confusion. Évidemment. Mais il est de notre devoir de faire comme si elle devait en sortir. Tout ce que j'ai pu réaliser dans ma vie, ç'a été en faisant comme si 1 . Nous n'avons pas avantage à miser sur l'échec, mais sur la réussite de l'Algérie nouvelle. Nous sommes, aujourd'hui comme hier, attachés à la politique d'Évian. C'est pour en assurer la mise en œuvre que legouvernement vient de conclure les protocoles qui en fixent les modalités d'application.
« Bien entendu, pour que s'applique la politique de coopération et en particulier le programme d'assistance technique, il est indispensable et urgent que la légalité soit de nouveau respectée et que cessent les exactions et les enlèvements. Vous avez entendu les directives très fermes données par le Premier ministre pour la défense de nos compatriotes.
« Mais si, comme nous l'espérons toujours, cette condition est remplie, c'est-à-dire si la sécurité revient en Algérie, il faut évidemment que, de notre côté, nous soyons prêts à coopérer. Et, dans ce cas-là, les repliés devraient pouvoir retourner chez eux. »
« Avec un peu de bon sens, ça aurait pu être évité »
Au Conseil du 12 septembre 1962, Joxe veut croire que «la crise approche de son dénouement. Ben Bella gagne. Il parle en chef. Il paraît décidé à mettre fin aux exactions. Il a annoncé son intention de ramener les effectifs de l'armée de 120 000 à 30 000 hommes ».
Mais Joxe ajoute prudemment: «Nous avons intérêt à laisser aux Algériens la caisse vide, car nous aurons avantage à ce qu'ils nous demandent de la remplir. Nous devons maintenir comme une exigence absolue le retour des personnes disparues depuis le 1 er juillet. Il en reste plus de 800 à récupérer. »
Le Général aperçoit une lueur d'espoir: « Il y a avantage à ce que Ben Bella ait pu s'imposer à Alger. Il y aura avantage à ce que les élections confirment cette tendance; elles doteront d'une autorité cette Algérie qui en a bien besoin. Il y aura avantage à ce que se constitue, enfin, un gouvernement qui reçoive toutes les responsabilités et qui les assume sans pouvoir se dérober. L'évolution de cette semaine n'est pas mauvaise. »
Après le Conseil, il me donne instruction, pour ma dernière conférence de presse, de
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