C'était De Gaulle - Tome I
trois ? »
Reste à fixer les modalités de la propagande télévisée en vue du référendum. Il est prévu que pourront participer à la campagne tous les partis qui sont représentés au Parlement.
Frey : « Un nouveau groupe doit bientôt se créer à l'Assemblée nationale, comprenant les anciens membres de l'Unité de la République ("Algérie française") et quelques parlementaires du même acabit. Si l'on n'y prend garde, ils vont pouvoir participer à la propagande.
GdG. — Pourquoi l'UNR ne se couperait-elle pas en trois? Elle aurait ainsi droit à trois orateurs à la télévision! Alors, nous serions sûrs de gagner la partie! »
Rires. Il est décidé que seuls pourront participer à la campagne les partis représentés au Parlement à la date du décret.
Grandval demande que l'on précise: «représentés au Parlement ou au gouvernement».
Éclat de rire général. De Gaulle participe à l'hilarité et ne relève pas; l'adjonction proposée par Grandval ne peut concerner que les « gaullistes de gauche », qui sont présents en sa personne au gouvernement, mais n'ont pas pu faire élire un seul de leurs candidats en 1958, comme si la France avait voulu les gaullistes à condition qu'ils ne fussent pas « de gauche ».
À la sortie du Conseil, Grandval va vers le Général: « Alors, mon général, vous ne nous avez pas accordé le droit à la parole! Quel dommage! Je ne le réclamais pas pour moi, mais pour Vallon 3 . C'est toujours à lui que je pense. C'est votre plus précieux soutien. Quand on a voulu me nommer ministre du Travail alors que je n'étais que secrétaire d'État au Commerce extérieur, j'ai dit : "Non, c'est Vallon qu'il faut mettre." Mais on ne pense jamais à Vallon. C'est pourtant le meilleur. »
« C'est Pommepidou qui a eu peur de bousculer le pot de fleurs »
Matignon, 28 octobre 1962.
Lors des derniers Conseils des ministres, devenus bourse aux informations et aux impressions de campagne, et ce soir, quand nous nous rencontrons à Matignon pour commenter ce référendum gagné, un sujet domine nos bavardages: la montée dePompidou. La crise provoquée par le référendum sur l'élection populaire du Président et par le vote de la censure lui a permis de se révéler.
Chaque ministre a pu mesurer sa loyauté. Il avouait en tout petit comité que le référendum direct, sans passer par la voie parlementaire, par recours à l'article 11, était « à la limite de la légalité» ; mais il n'a jamais fait état à l'extérieur de la moindre réserve et s'est battu avec beaucoup de force de persuasion pour défendre la thèse du Général.
Il a démontré sa pugnacité. Dans le débat sur la motion de censure, dans les joutes radiophoniques ou télévisées, il s'est affirmé comme un redoutable débatteur, sans jamais perdre son sang-froid ni son humour.
Enfin, il a prouvé son influence sur le Général. Tout en le soutenant sans réserve sur les grandes options, il est arrivé à le faire changer d'avis sur des modalités d'application.
Pour la réforme constitutionnelle, ils ont eu deux divergences.
Le Général voulait que l'intérim de l'Elysée, en cas de vacance du pouvoir présidentiel, fût désormais assuré par le Premier ministre, et non plus par le président du Sénat, comme le prévoyait la Constitution de 1958. Pompidou s'y est opposé fermement: cette substitution aurait paru aux Français une vengeance mesquine contre Monnerville, qui avait osé braver le Général. Le Général a fini par s'incliner. Non sans grogner. Il m'a dit, en prononçant le nom de son Premier ministre comme s'il s'agissait d'un radical du Sud-Ouest:
«C'est Po mme pidou qui a eu peur de bousculer le pot de fleurs. »
Il y avait, dans cette confidence, un parfum de reproche: ménager un adversaire tel que Monnerville lui apparaît sans doute comme un signe, non de sagesse, mais de tendance fâcheuse au compromis.
Seconde difficulté: le nombre de « parrains» que devait réunir chaque candidat. Pompidou aurait voulu l'augmenter généreusement —jusqu'à 2 000, voire 5 000. Bien qu'il ait été, en Conseil, plus discret sur ce point que plusieurs de nos collègues, il montrait ostensiblement par sa mimique son approbation pour le renforcement de l'obligation de parrainage. Le Général répugnait à s'engager dans cette voie, de peur de reconstituer la force des partis. Il aurait souhaité au contraire réduire à zéro le nombre de parrains imposé. Le compromis
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