C'était De Gaulle - Tome I
me demande même si c'est suffisant; un mois, peut-être même six semaines, ça me paraîtrait plus raisonnable. »
Pompidou coupe, un peu sèchement: « Si nous nous trouvions en période d'intérim, ce serait dangereux d'étaler une campagne sur deux mois; personne ne peut dire ce que l'intérim va donner. »
« Il ne faut pas confondre un personnage historique et un personnage électoral »
Giscard reprend en interpellant nommément le Général, comme s'il voulait montrer à Pompidou qu'il ne s'adressait pas à lui et appréciait peu son intervention: «Mon général, s'il s'agit d'un personnage historique comme vous, ce n'est évidemment pas utile qu'il se présente longuement aux Français. Mais s'il s'agit, comme ce sera sans doute le cas le plus souvent à l'avenir, d'unpersonnage que l'Histoire n'a pas révélé, la campagne électorale sera l'élément déterminant.
GdG. — Il ne faut pas confondre un personnage historique et un personnage électoral. (C'est sorti tout seul. Le Général pense évidemment à lui. De fait, il n'a jamais été élu par le suffrage universel, fût-ce comme conseiller municipal. Son essence à lui n'est pas électorale, mais historique. La forme de son observation est modeste, même si le fond ne l'est pas.)
Giscard. — Sur l'intérim, il ne me paraît effectivement pas opportun de mélanger des dispositions concernant l'intérim, avec des dispositions concernant les modalités d'élection du Président de la République. Cependant, si on aborde le problème de l'intérim, il est raisonnable de suspendre toute révision constitutionnelle.
GdG. — Je ne vois pas pourquoi l'élévation du nombre des parrains à 1000 ou à 2 000 permettrait une meilleure pré-sélection.
Giscard. — Je proposerais un système encore plus sélectif. Je souhaiterais que seuls puissent se présenter au premier tour de scrutin au suffrage universel, ceux qui auraient obtenu 15 % des voix de l'actuel collège restreint de notables 1 . Cette procédure inciterait les candidats à faire campagne auprès des pré-sélecteurs. La difficulté de cette première campagne découragerait les candidats farfelus. Elle éloignerait les Ferdinand Lop. On pourrait avoir alors, en tout et pour tout, un socialiste, un PSU, un communiste, un ou deux radicaux, un MRP, un UNR, deux indépendants. Ce serait déjà une bien grande simplification.
GdG. — Votre système, c'est la continuation du suffrage restreint.
Giscard. — Au contraire, c'est un moyen de débarrasser le suffrage universel de scories qui risquent de l'étouffer. Qu'est-ce qui empêchera les 800 000 rapatriés, par exemple, de présenter leur candidat?
GdG. — Mais les rapatriés ne comptent pas! D'abord, ils ne seront pas 800 000 électeurs, mais tout au plus 300000 ! Et puis, le suffrage universel simplifie les choses. Il ne tiendra pas compte de toutes ces mesures subalternes que vous envisagez. Ce sera un mouvement élémentaire et fondamental. Mais on ne peut pas, à la fois, faire élire le Président de la République au suffrage universel et au suffrage restreint. Il faut choisir. J'ai choisi» (sous-entendu: si quelqu'un autour de la table n'est pas d'accord, je ne le retiens pas).
« Le Conseil économique et social est dans le sens de l'Histoire »
Jamais encore, depuis que le gouvernement Pompidou est en place, un Conseil n'avait duré aussi longtemps. Le Général, pourtant, ne manifeste aucune impatience.
Foyer: « 1) Je trouve inopportune la disposition selon laquelle sont habilités à servir de parrains les membres du Conseil économique et social. Il n'est pas une assemblée politique. En le faisant servir à une élection politique, on le détournerait de son but.
GdG. — Je veux bien que les membres du Conseil économique et social ne soient pas des élus, ni des politiques. Mais, d'abord, ce sont des hommes d'une qualité incontestable. Et puis, ils ont un rôle constitutionnel: la Constitution prévoit très exactement l'étendue de leurs pouvoirs et ces pouvoirs ne sont pas négligeables. Alors, pourquoi les exclure?
« Enfin, dites-vous bien que le Conseil économique et social est dans le sens de l'Histoire. Une évolution se dessine, qui donnera à ses membres et à toutes les forces qu'il représente une importance de plus en plus grande.»
Un petit silence suit cette déclaration. Évidemment, le Général a en vue le futur Sénat, qui se construit déjà dans son esprit avec les représentants des
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