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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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cette année. Nous sommes loin du compte. Les moyens me manquent.
    GdG. — Vous les rencontrez ?
    AP. — Je passe deux jours en province par semaine.
    GdG. — Où allez-vous?
    AP. — Dans les ports et les villes du Midi et du Sud-Ouest où ils sont dirigés.
    GdG. — Où leur parlez-vous?
    AP. — Dans les internats de lycées réquisitionnés, dans les baraques métalliques, sur le quai des ports comme Sète ou Port-Vendres, où des pêcheurs pieds-noirs, courageusement, ramènent déjà du poisson.
    GdG. — Comment se comportent-ils avec vous?
    AP. — La rencontre est souvent rude. Mais il faut qu'elle le soit, pour que leur cauchemar commence à se dissiper. La seule difficulté de l'exercice est de semer les journalistes, de manière à ne pas donner des amplificateurs à ces psychodrames.
    GdG. — Comptent-ils retourner en Algérie?
    AP. — Jusqu'à la fin d'août, la plupart espéraient pouvoir retourner. Les exactions, les enlèvements d'Européens, les spoliations ont tué cet espoir.
    GdG. — Il y en a quand même qui retournent.
    AP. — Ils vont faire leurs malles, puisqu'ils n'avaient eu que le temps de faire leurs valises. Ils essaient de liquider leurs biens. Mais à quel prix? Personne n'en veut.
    GdG. — Combien pensez-vous qu'il en restera à la fin des fins?
    AP. — Au maximum 100000; peut-être seulement la moitié ou le quart.
    GdG. — Les Arabes voient d'un bon œil les métropolitains. Mais ils font la vie dure aux pieds-noirs?
    AP. — Ils les rendent responsables de tout ce qui va mal, et les tiennent pour incapables d'opérer la reconversion nécessaire dans leurs rapports avec les musulmans.
    GdG. — Alors, que proposez-vous ?
    AP. — Les accords d'Évian étaient conçus pour assurer le maintien d'une communauté européenne autochtone égale à 10 % de la population musulmane, alors qu'elle sera au maximum de 1 %. Est-ce qu'il ne convient pas de réviser ces accords en conséquence ? »
    Le visage du Général se ferme: « Non ! Il n'en est pas question! » Ses yeux semblent dire: «Ne vous mêlez pas de ça ! »
    Je reprends : « L'Allemagne a absorbé douze millions de réfugiés de Prusse orientale, de Silésie ou de Poméranie. Ils ont été une des causes du miracle allemand. Un million de rapatriés, ça peut être une chance pour une France en expansion. À condition de les diriger vers les secteurs en croissance, de leur redonner des projets et surtout de l'espoir, bref, de faire pour eux une grande politique d'intégration.

    « Donnez-moi un exemple concret »
    GdG. — Qu'est-ce que vous appelez une grande politique d'intégration ?
    AP. — Les rapatriés servent de révélateurs à nos insuffisances. Leur arrivée fait apparaître des points faibles auxquels il aurait fallu s'attaquer depuis longtemps. Puisque, de toute façon, on devra construire des logements, développer la formation professionnelle et l'enseignement technique, construire des écoles et des maisons de retraite, développer les secteurs retardataires, aménager le territoire, remédier aux déséquilibres régionaux, etc., pourquoi ne pas inclure toutes ces actions dans une grande loi-programme, qui ferait apparaître toutes les actions correctrices de ces insuffisances comme un don de la France pour leur accueil.
    GdG. — Vous poussez le raisonnement un peu loin.
    AP. — Ce serait une présentation, plus fraternelle envers eux, d'obligations qui nous incombent de toute façon. Elle montrerait aux rapatriés qu'on les prend au sérieux, qu'on est décidé à faire beaucoup pour eux, qu'ils sont le centre d'un grand dessein, qu'ils vont contribuer au progrès commun, que nous les accueillons avec chaleur ?
    GdG. — Alors, en pratique, que fait-on ? Donnez-moi un exemple concret de ces actions. (Mots familiers du Général: quand il trouve qu'un discours s'égare ou qu'un propos est nébuleux, il ramène brusquement au terre à terre.)
    AP. — Une opération-type serait l'aménagement de la côte languedocienne, de la Camargue à Port-Vendres. Elle est pour le moment quasi déserte. Techniquement, selon les experts, elle peut devenir une seconde Côte d'Azur, moyennant reforestation, élimination des moustiques, création d'une chaîne d'hôtels. Les rapatriés se porteraient aisément vers cette région, eux qui ont éliminé les marais et les moustiques de la Mitidja, eux qui aiment la Méditerranée. Ils s'emploieraient en outre beaucoup plus facilement dans des activités en liaison avec

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