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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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basse: «Je me demande si vous n'exagérez pas un peu.» Pompidou me fait signe de ne pas répondre. Il veille toujours à ménager les nerfs du Général. Il doit juger que le choc a été suffisant pour aujourd'hui.
    1 Cette formule, déjà utilisée par le Général dans un propos sur l'accueil fait à Adenauer (p. 156), reviendra plusieurs fois dans sa bouche, notamment à Cracovie en 1967 (p. 47).
    2 Le dernier chiffre donné en Conseil était de 5 000 musulmans, y compris leurs familles.

Chapitre 27
    «N'ESSAYEZ PAS DE M'APITOYER »
    Salon doré, 22 octobre 1962.
    À l'issue du Conseil, où j'ai fait une nouvelle communication sur les rapatriés, je demande au Général si je peux le suivre un instant dans son bureau. Il m'y introduit et me fait asseoir.
    AP: «Mon général, j'ai parlé tout à l'heure des difficultés matérielles des rapatriés. Il y a pire que leur détresse physique. C'est leur détresse morale. Je sais que vous avez pris votre décision en fonction des intérêts supérieurs du pays. Mais ces gens sont nés sur cette terre, qu'ils ont dû quitter dans des conditions dramatiques. Ils ont perdu leur patrie, celle où sont enterrés leurs parents et leurs ancêtres. Ils ont besoin qu'on leur parle. Ils ont besoin que vous leur disiez que la mère-patrie leur ouvre tout grands les bras. Je me suis permis d'écrire une esquisse d'allocution, avec mon cœur. Il me semble que, si vous leur disiez quelque chose dans ce genre, ils en ressentiraient un immense bienfait, et la France avec eux 1 . »

    « Non, c'est votre travail »
    Je tends mes deux feuillets au Général. Il les saisit, ajuste ses lunettes, les parcourt rapidement, puis les reprend ligne par ligne, me les rend: «Il est bien, votre discours. Vous n'avez qu'à leur dire ça à la télévision. Faites-le annoncer plusieurs jours à l'avance, il faut qu'ils soient prévenus pour que tous l'écoutent.»
    Je suis consterné: «Mais, mon général, ça n'aura pas le millième de l'impact que ça aurait si ça venait de vous! »
    Le Général regarde la fenêtre qui donne sur le parc et garde un long silence. Je me prends à espérer. Puis, le verdict tombe.
    GdG: «Non, c'est votre travail. Vous avez été mis à ce poste pour ça. »
    Est-il agacé que j'aie prétendu lui suggérer non seulement le fond, mais la forme d'un texte, alors qu'il écrit lui-même tous sesdiscours? Je crois plutôt, tout simplement, qu'il souhaite tourner son énergie vers d'autres horizons.
    Ce n'est pas la peine d'insister. Il a assumé tous les risques d'une décision terrible. Il n'a pas eu, il refuse d'avoir, les mots qui l'auraient adoucie. Il sait bien que ce million de rapatriés, c'est le signe tangible d'un grave échec. Il ne veut ni l'avouer, ni même se l'avouer. Il doit penser que son crédit, son autorité, les chances de succès de ses vastes entreprises dépendent de son flegme et de son silence.

    Au Conseil du 7 novembre, Joxe a quitté ses lunettes roses: « Le gouvernement algérien n'a pas mis d'ordre dans ses affaires. Aucun apaisement technique ou politique ne nous a été donné. Ben Bella s'est promené dans le pays, mais n'a pas agi. L'insécurité et le marasme s'aggravent.»
    Le Général s'exclame: «C'est intolérable! Ils ne comprendront pas, tant qu'on ne leur aura pas coupé les vivres! »

    « Pas question de réviser Évian »
    Salon doré, 23 novembre.
    Le Général me reçoit en audience: «Alors, où en sommes-nous?
    AP. — Il reste aujourd'hui 180 000 Européens en Algérie. Environ 800 000 rapatriés d'Algérie sont installés en métropole (y compris les 15 000 harkis, moghaznis et leurs familles) ; 40 000 ou 50 000 autres sont partis pour l'Espagne, l'Italie ou Israël, mais arriveront sans doute en France à retardement. Sans compter 400 000 autres du Maroc, de Tunisie et d'Égypte; mais pour ceux-là, il n'y a guère de problème. Ils ne sont pas partis en catastrophe. Ils ont eu le temps de prendre leurs dispositions.
    GdG. — Finalement, l'accueil se passe plutôt bien? Une fois de plus, on voit que ce qui tient bon dans les coups durs, c'est le réseau des préfets et sous-préfets. C'est l'État ! S'il vous fallait seulement compter sur les maires et les conseils généraux, vous ne vous en sortiriez pas. Et maintenant, quelles difficultés rencontrez-vous ?
    AP. — La loi de décembre dernier, qui organise le rapatriement, prévoyait 350 000 rapatriés pour toute l'Afrique du Nord en cinq ans, dont 70000

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