Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
le tourisme, que dans des industries classiques.

    « Vous ne croyez pas que vous vous laissez emballer ? »
    GdG. — Vous ne croyez pas que vous vous laissez emballer par votre sujet ?
    AP. — Si on ne s'emballe pas un peu, on ne secouera pas l'inertie. Et les rapatriés vont se mettre à réclamer à cor et à cri l'indemnisation, dont le principe est d'ailleurs inscrit dans la loi de décembre dernier. Elle serait ruineuse, inégalitaire, stérileparce que tournée vers le passé. L'intégration sera économique, équitable, féconde parce que tournée vers l'avenir. On ne peut pas refuser à la fois l'indemnisation et l'intégration.
    GdG. — Le risque est que l'on supporte d'abord le coût de l'intégration, puis qu'on nous demande quand même l'indemnisation.
    AP. — On la demandera d'autant plus qu'on n'aura pas franchement et puissamment annoncé la couleur pour réussir l'intégration.
    GdG. — Vous avez étudié vraiment la question ? Faites-moi une note. »

    « La page est tournée »
    L'audience allait s'achever sur un ton froid, mais serein. J'ai la mauvaise idée d'essayer de faire vibrer la corde sensible : « Vous aviez parlé d'intégration des âmes. Nous n'avons pas pu intégrer les âmes en Algérie. Mais nous pouvons intégrer les âmes des rapatriés en France. »
    Nous sommes debout, près de la porte. J'évoque ces réfugiés que je vais visiter dans les campements de fortune où nous les avons installés ; ces gens hagards ; ces enfants dont les yeux reflètent encore l'épouvante des violences auxquelles ils ont assisté ; ces vieilles personnes qui ont perdu leurs repères ; ces harkis agglomérés sous des tentes dans la prairie de Castelnau-le-Lez ou sur le plateau du Larzac, et qui restent hébétés, ne voulant ou ne pouvant rien faire. Je sens que j'agace le Général. Il m'a laissé parler et puis il explose :
    GdG : « Tout cela ne leur serait pas arrivé, si l'OAS ne s'était pas sentie parmi eux comme un poisson dans l'eau ! Ils ont été complices de vingt assassinats par jour ! Ils ont laissé massacrer les dockers musulmans d'Alger sans les prévenir, alors que tous les dockers français étaient au courant ! Ils ont saboté les accords d'Évian, qui étaient faits pour les protéger ! Ils ont déchaîné la violence, et, après ça, ils se sont étonnés qu'elle leur revienne en plein visage ! Alors, ils se sont précipités vers les bateaux et vers les avions comme des moutons de Panurge. N'essayez pas de m'apitoyer ! Cette page m'a été aussi douloureuse qu'à quiconque. Mais nous l'avons tournée. C'était nécessaire pour le salut du pays. On le comprendra plus tard. »
    Est-il impitoyable ? Je sens bien que non. Sa pudeur l'empêche d'en dire plus ; il ne veut pas s'attendrir. Mais il est probable qu'il a profondément souffert de ce drame ; il en souffre encore dans sa sensibilité secrète. Simplement, il estime n'avoir pas le droit de faire part, sur le moment, de ses états d'âme. Il fait comme s'il voulait oublier les rapatriés. C'est un épisode de sa vie qui leremplit d'amertume. Il lui déplaît qu'on le replace encore sous ses yeux. Il m'a serré la main d'un air sévère.

    Matignon, 4 décembre 1962.
    J'ai rédigé un rapport de quarante-quatre pages sur l'intégration des rapatriés. Je l'ai fait tenir au Général et au Premier ministre.

    Là-dessus, Pompidou me convoque pour me proposer de retourner à l'Information. Je lui dis qu'après cette plongée de dix semaines chez les Rapatriés, j'aurais de la peine à m'arracher à cette nouvelle tâche. Il a beau jeu d'ironiser : « Vous ne vouliez pas quitter l'Information pour les Rapatriés, et maintenant vous ne voulez pas quitter les Rapatriés pour l'Information. Vous ne savez pas ce que vous voulez. »

    Du moins, une satisfaction. Pompidou a repris, sans y changer une virgule, le texte que je lui ai proposé pour sa « déclaration de politique générale » devant la nouvelle Assemblée nationale : « Le règlement de l'affaire d'Algérie a entraîné la venue en France de nombreux réfugiés. Nous avons pris de toute urgence des mesures pour engager avec eux une coopération fraternelle, pour assurer leur logement, leur reclassement. Nous avons préparé un projet de loi-programme pour accélérer et coordonner cette action. C'est une grande tâche française que de réintégrer dans la vie nationale ceux qui ont été victimes de la guerre d'Algérie et de sa fin. »

    Pompidou a fait lire son

Weitere Kostenlose Bücher