C'était De Gaulle - Tome I
il n'en reste plus rien. Tous sont devenus des robots soviétisés. »
Il a fallu attendre trente ans — le temps de « soviétiser » une quatrième génération — pour que l'Histoire donne raison à l'homme de l'Histoire et confonde le grand expert. Mais si de Gaulle a vu plus juste, n'est-ce pas tout simplement parce que sa foi en l'homme était plus forte ?
1 Ministre des PTT.
Chapitre 4
« L'ANGLETERRE DE KIPLING EST MORTE»
Au Conseil des ministres du 16 mai 1962, celui auquel les ministres MRP se sont décommandés, Couve — très « business as usual » ou « la séance continue » — fait le point de la négociation entre le Marché commun et l'Angleterre. « Les négociateurs anglais ne s'intéressent qu'à deux questions concernant l'agriculture. D'abord, l'horticulture, à cause des orchidées et des tomates d'hiver, parce que la réélection de 80 députés conservateurs en dépend. Ensuite, les produits alimentaires du Commonwealth : beurre, cacao, mouton...
« Quant à l'adhésion à la Communauté du charbon et de l'acier, elle se ferait en même temps que l'adhésion au Marché commun, dès lors que la Haute Autorité de Luxembourg en déciderait ainsi ; mais personne ne doute qu'elle le fasse, comme d'ailleurs personne ne doute de la prochaine adhésion de l'Angleterre à la Communauté dans son ensemble.
« Inacceptable ! Comment laisser à des technocrates... »
Le Général interrompt Couve : « Voyons ! Ce sont les gouvernements qui acceptent l'entrée d'un nouveau membre, ce ne sont pas les soi-disant "exécutifs" de Bruxelles ou de Luxembourg ! »
Couve fait observer que le traité de Paris, qui a institué la Communauté européenne du charbon-acier, a confié à la Haute Autorité de Luxembourg le pouvoir de décider des admissions.
Le Général le coupe vivement : « C'est inacceptable ! Comment peut-on laisser à des technocrates une décision aussi lourde de conséquences ? D'autant plus que les Anglais demandent non pas à adhérer purement et simplement, mais à réviser le traité : ce n'est plus une simple admission ! Ça doit être l'affaire des gouvernements ! »
Après un temps de silence respectueux, Couve passe tranquillement à un autre point, sans répondre à celui qu'a soulevé de Gaulle, et qui est de taille : « En outre, dans les discussions entre les Six, il a été décidé une deuxième accélération de la mise en place du Marché commun : un abaissement des tarifs douaniers — 10 % sur les produits industriels et 5 % sur les produits agricoles.
GdG. — Une fois encore, nous avons pris l'initiative de cetteaccélération. Une fois encore, on dira que nous ne sommes pas "européens" ! »
On a un nom : Pflimlin et ses amis.
« L'Angleterre est devenue un satellite des États-Unis »
Au Conseil des ministres du 30 mai 1962, Couve fait à nouveau le point des négociations entre les Six et la Grande-Bretagne à Bruxelles. « Elles ont confirmé de façon satisfaisante l'accord entre les Six pour rejeter les demandes britanniques visant à protéger le "vieux Commonwealth" (façon pudique de dire "de race blanche" — Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) : les préférences impériales seraient indéfiniment maintenues; le tarif extérieur commun, qui protège toute la Communauté, serait supprimé pour leurs produits; une garantie de débouchés serait instituée pour leurs produits agricoles. »
À l'issue du Conseil, le Général me dit :
« L'Angleterre est devenue un satellite des États-Unis. C'est le choix qu'a fait Churchill, après Pearl Harbour, dès que les États-Unis sont entrés en guerre. Il a été tellement soulagé de n'être plus seul à supporter tout le poids de la guerre, qu'il s'est rangé docilement derrière Roosevelt. Ses successeurs s'en sont tenus prudemment à ce choix, sauf Eden pour faire l'opération de Suez, et mal lui en a pris. Macmillan est tout de suite rentré dans le rang.
« Quant aux Pays-Bas, aux Scandinaves et tutti quanti, ils sont des satellites de l'Angleterre. Ce sont des poupées russes. Tout ce joli monde ne nous aime pas et déteste notre politique. C'est naturel, dès lors que nous refusons de nous agenouiller devant les Anglo-Saxons. »
Peut-être pense-t-il au même moment : « Sans les Anglais, il n'y aurait pas eu de France libre, pas d'Europe libre, pas de monde libre ! Sans eux, il n'y aurait pas eu de Gaulle ! »
Mais peut-être connaît-il le mot de Lu Xun : « Celui qui sait prendre
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