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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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part courtoisement au banquet où il a été admis à s'asseoir, mais qui sait dire ensuite poliment et fermement à ses hôtes leurs quatre vérités, celui-là est un homme vraiment admirable. »

    Au Conseil des ministres du 6 juin 1962, Couve rend compte de la visite de Macmillan, samedi et dimanche, au château de Champs : « La Grande-Bretagne est décidée à tout faire pour entrer dans le Marché commun. Macmillan a la conviction que l'Empire britannique est dépassé, que le Commonwealth est en voie de dissolution rapide (notamment à la suite de l'entrée desdominions non blancs). Il faut donc trouver des solutions de rechange.
    «Pour la France, à partir du moment où les Anglais sont ardemment candidats, la seule question est de savoir s'ils acceptent tout le traité de Rome, avec ce corollaire : le relâchement des liens avec le Commonwealth. La conversation a été très amicale. »
    Pompidou tient à intervenir, ainsi qu'il le fait quand le sujet est important, comme pour signifier que, contrairement à ce que disent d'aucuns, la politique étrangère n'échappe pas au domaine du Premier ministre : « Quelle évolution par rapport à la venue de Macmillan en juin 1958 1 ! (Pompidou y assistait comme directeur du cabinet du Général.) En 1958, il employait avec hauteur des termes de combat. L'Angleterre était prête à l'attaque. Elle considérait la Communauté européenne comme un acte de guerre à son égard. Il parlait de la briser.
    « Maintenant, il est très désireux d'obtenir un accord avec l'Europe. Il a parlé des motifs économiques. Mais probablement les motifs politiques, notamment intérieurs, comptent aussi. Il s'est étendu sur la solidité des liens qu'il envisage de nouer avec la France et l'Allemagne, sur la politique commune, sur la défense commune, sur le plan Fouchet. Il veut montrer qu'il se rallie aux idées que nous avons soutenues.

    « J'ai dit à Macmillan : "Il faut que vous évoluiez encore" »
    GdG. — Il y a en effet une forte évolution. En 1958, Macmillan manifestait une hostilité farouche au Marché commun, qu'il voulait noyer dans une grande zone de libre-échange. À plus forte raison à l'égard d'une union politique du continent. Il a renoncé à sa grande zone et il est même prêt à renoncer à la petite 2 . C'est une véritable déroute! Il a perdu tout espoir et de couler le Marché commun et de maintenir l'Empire. Il recherche donc un autre terrain d'activité nationale et, par conséquent, internationale.
    « Il voit l'Europe d'une manière très différente. Il est prêt à la pratiquer sur le plan économique et politique.
    « Sur le plan économique, il se fait fort de passer outre auxobstacles. L'agriculture en est un, mais il prétend que, si on lui donne des délais jusqu'en 1970, il peut mettre l'agriculture anglaise dans le coup ; ça ne le gêne pas.
    « Pour le Commonwealth, évidemment, il ressent une contradiction. La Grande-Bretagne nouvelle a renoncé à l'Empire et serait prête à passer outre à ce genre de regrets ; mais l'existence des dominions blancs, au point de vue de la Grande-Bretagne et du monde libre, compte tellement qu'il serait fâcheux de s'en séparer. Il est donc partagé. "Je sens deux hommes en moi."
    « Je lui ai dit : "Je vois que vous évoluez. Il faut régler les choses à fond. Donc, il faut que vous évoluiez encore. On verra cette année comment vous allez vers le traité de Rome. Pourrez-vous endurer toutes ses contraintes ? Vous mettre à la page ? Le tarif extérieur commun implique que vous limitiez vos importations du dehors et donc vos exportations hors du Marché commun. Vous en tirerez-vous ? Votre monnaie tiendra-t-elle le coup ?"
    Missoffe (à voix basse). — En somme, de Gaulle a dit à Macmillan : "C'est vous le nègre, eh bien, continuez !"
    GdG. — Au point de vue politique, Macmillan a chanté les louanges des propositions de De Gaulle; le reste est fumisterie. Mais il n'y a pas d'Europe politique réelle si elle n'a pas une base économique identique, autrement dit, si la Grande-Bretagne n'entre pas dans l'union politique et dans la communauté économique simultanément.
    « Il a fait une découverte extraordinaire : si on veut faire une Europe politique, elle n'est rien si elle n'est pas indépendante. Or, le critérium de l'indépendance, c'est la défense; mais comment renoncer au protectorat américain ?
    « Bref, il a pris un ton très différent de celui qu'il prenait jusqu'à

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