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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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présent. Ça ne le gêne pas du tout que la France ait ses bombes, sa stratégie, ses plans. Voilà qui est tout à fait nouveau. Il a le désir évident de faire du neuf et de le faire dans l'Europe, pas ailleurs. Il a la notion que tout passe par la France. Il ne l'avait pas compris en 1958. Maintenant, il faut bien qu'il s'y fasse. »

    « Le sort de l'agriculture est maintenant le plus grand problème de la France »
    À l'issue du Conseil, j'essaie d'en savoir plus.
    AP : « Vous croyez vraiment Macmillan prêt à bouleverser les courants d'échanges, les habitudes des consommateurs ?
    GdG. — Il me l'a affirmé. Il prétend qu'autrefois, il était inimaginable de se présenter à une élection où on aurait été accusé de vouloir le pain cher; mais qu'aujourd'hui, ça ne compte plus. Il ne s'attend même pas à des difficultés politiques. Il est conscient de l'extrême importance historique du choix que l'Angleterre estsur le point de faire. Il assure que l'Empire britannique appartient au passé. Il n'en restera plus qu'un vague mécanisme comme celui de l'ONU. L'Angleterre de Kipling est morte. (Impossible de savoir si c'est du De Gaulle traduisant Macmillan, ou du Macmillan cité par de Gaulle.) Les jeunes considèrent que leur avenir est lié désormais à celui de l'Europe. Ce nouvel état d'esprit marque, selon lui, un changement fondamental, qui apparaîtrait dans tous les milieux, dans tous les partis. Les hommes d'affaires britanniques se prépareraient, eux aussi, au Marché commun.
    « Il ne se soucie pas de son agriculture. Elle occupe seulement 4 % de la population, alors que, dans son jeune temps, c'était 20 à 25 %. Notre problème est semblable, sauf que l'évolution des Anglais est allée beaucoup plus vite que la nôtre. Le problème qu'ils ont derrière eux est devant nous.
    « Le sort de notre agriculture est désormais, après le règlement de l'affaire algérienne, notre plus grand problème. Et si nous ne le réglons pas, nous pouvons avoir une autre affaire d'Algérie sur notre propre sol. Notre industrie peut affronter la concurrence, mais si notre agriculture devait rester en dehors du Marché commun, la charge qui en résulterait pour nos industriels ne serait pas supportable.
    « Seulement, ça a été si difficile de s'entendre avec nos partenaires pour l'agriculture, et il reste encore tant de difficultés, que je ne vois pas comment on pourrait maintenant élaborer un autre régime. De toute façon, l'entrée de l'Angleterre serait un tel bouleversement, qu'il s'agirait alors d'un autre Marché commun.

    « Êtes-vous prêts à devenir indépendants par rapport aux Américains ? »
    AP. — Macmillan est-il vraiment prêt à adhérer au plan Fouchet, comme l'a laissé entendre le Premier ministre ?
    GdG. — Il a abondé dans mon sens. Vouloir rabaisser les États, pour s'en remettre à des commissions de sages, n'est pas sérieux. Les peuples n'accepteront jamais un gouvernement qui ne serait pas le leur.
    « Alors, je lui ai dit carrément : "Notre volonté est de devenir indépendants par rapport aux Américains. Y êtes-vous prêts ?" Il m'a répondu que les jeunes en Angleterre et lui-même pensaient comme nous. Ils ne veulent pas être des satellites des Américains. Il voit une organisation du monde libre qui reposerait sur deux pôles : l'Europe et l'Amérique. Je lui ai objecté que, si l'Angleterre entrait, d'autres pays entreraient aussi; ce qui fonctionne difficilement à six ne fonctionnerait plus du tout à dix ou à quinze. Mais il est tellement déterminé, que j'aurais été désobligeant si je l'avais découragé complètement. J'ai quand mêmeconclu en lui disant que, quand on hésite sur les buts à poursuivre, mieux vaut ne pas s'engager. Ça vaut mieux que de s'engager en tâtonnant, puis de faire machine arrière.
    « Voyez-vous, l'objectif de la France est de faire l'Europe. Avec les Anglais s'ils peuvent s'y joindre, sans eux s'ils ne le peuvent pas. Mais l'essentiel est que l'Europe veuille exister par elle-même, indépendamment des États-Unis. Je ne suis pas sûr que l'Angleterre, et d'ailleurs non plus l'Allemagne et l'Italie, y soient déterminées. Si l'Angleterre se contente de mettre dans l'OTAN une petite partie de ses forces et garde l'essentiel en réserve sur son territoire sous son seul commandement, ainsi que sa force de frappe, alors nos conceptions sont identiques. Mais ce n'est pas la conception qui prévaut à l'OTAN, où l'on

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