C'était De Gaulle - Tome I
histoire s'est passée à l'intérieur de la marge de liberté que le Général laissait à Pompidou et à Messmer, comme à tous ses collaborateurs.
Messmer avait traîné les pieds : aidé par beaucoup de députés de la majorité hostiles à ce projet, il le laissait s'enliser dans la procédure parlementaire. Le Général avait d'abord aiguillonné son ministre, tout en freinant son Premier ministre. Entre-temps, l'opposition ayant été écrasée et les réticences de la majorité à ce projet s'étant renforcées, le Général lui-même s'est durci.
Les principes seront sauvegardés. L'égalité devant l'obligation militaire sera respectée. L'armée ne risque pas d'être minée de l'intérieur. Elle restera « la colonne vertébrale de la nation ».
1 État-major général, état-major Terre, état-major Marine, état-major Air, état-major particulier du Président de la République.
2 L'intégration — imbrication des armées les unes dans les autres sous commandement américain — est le principe d'organisation de l'OTAN et aurait été celui de la Communauté européenne de défense, repoussée par l'Assemblée nationale en août 1954.
3 Imprimeur, syndicaliste, pacifiste, Louis Lecoin a milité au cours des années 50 et entrepris plusieurs grèves de la faim en vue d'obtenir un statut des objecteurs de conscience.
4 Robert Buron était l'un des cinq ministres MRP démissionnaires.
5 Chapitre 25 , p. 248.
Chapitre 8
« NE PLEUREZ PAS, MILORD »
Conseil des ministres, 19 décembre 1962.
Maintenant que, contrairement à la prédiction de Maurice Faure, le Général s'est débarrassé à la fois de la guerre d'Algérie et de l'opposition, il démarre sur les chapeaux de roues pour lancer la grande politique étrangère qu'il enrageait de ne pouvoir mener.
Les conversations de Rambouillet entre Macmillan et le général de Gaulle, samedi et dimanche, ont beaucoup excité la curiosité et l'imagination des journalistes, donc de l'opinion. Comment le Général se comportera-t-il face à la demande anglaise d'admission dans le Marché commun ? Cette rencontre théâtrale, Couve en rend compte sans faire le moindre théâtre :
« Sur sa demande, Macmillan est venu voir le général de Gaulle, juste avant de rencontrer Kennedy aux Bahamas. Pour le Marché commun, Macmillan a renouvelé ce qu'il avait dit à Champs 1 : "C'est un tournant dans la vie politique des Britanniques. Ils ont renoncé à l'Empire. Ils ont reconnu la nécessité de jouer un rôle à l'intérieur de l'Europe."
« Il a fait allusion aux problèmes atomiques. Les Américains veulent supprimer la production des fusées Skybolt, mais rien n'est prévu de précis pour leur remplacement.
« Ça s'est passé dans l'atmosphère intime qui est habituelle, mais on avait l'impression d'un malaise, celui de la contradiction entre ces relations amicales et très étroites, et les difficultés résultant de l'interminable négociation sur le Marché commun.
« Les Anglais préfèrent-ils l'Europe ou le grand large ? »
GdG. — L'éternel problème est de savoir si les Anglais veulent donner la préférence à l'Europe ou au grand large.
« En 1958, Macmillan est venu me faire une scène : " Comment ? Est-ce que vous prenez le Marché commun au sérieux ? C'est la guerre des tarifs entre nous ! C'est le Blocus continental ! Toutes nos relations seraient compromises, etc." Ils ont inventé la zone de libre-échange pour empêcher les Six de mettre en route le Marché commun. La négociation n'a pas abouti. (Et pour cause, Couve l'a rompue sur instruction du Général !)
« Voyant le Marché commun démarrer, ils posent leur candidature pour y entrer. Pour qu'ils entrent dans le Marché commun, ce n'est pas si simple. Ça ne peut pas être à leurs conditions, mais aux nôtres, puisqu'ils sont demandeurs. Si la Grande-Bretagne, plus le Danemark, plus la Norvège, plus l'Irlande, plus le Commonwealth (il prononce ouilz) entraient dans le Marché commun, il faudrait qu'en réalité, ce soit le Marché commun qui entre dans une immense zone de libre-échange et s'y dissolve. C'est toujours la même question qui est posée, mais les Anglais n'y répondent pas. Alors, ils disent que "c'est la France qui ne veut pas".
« Nous sommes d'autant plus portés à être prudents, que la Grande-Bretagne demande une série de dispositions particulières qui modifieraient tout, et en particulier l'agriculture : précisément tout ce qui est en cours
Weitere Kostenlose Bücher