C'était De Gaulle - Tome I
une poule devant un couteau. Chacune des deux autres armes aura aussi les deux panoplies. »
Après le Conseil.
AP : « Ne craignez-vous pas que l'effort financier de cette reconversion dépasse les possibilités de la France ? Pompidou et Giscard ont l'air bien réservés.
GdG. — Non. Cet effort n'est nullement excessif, si on le compare aux efforts de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne occidentale et de l'Amérique par rapport au budget et au revenu national. Sans compter l'importance que revêt cet effort pour la recherche scientifique et l'économie nationale : en faisant des découvertes dans les fusées ou dans l'atome, on fait progresser la France ; tandis qu'on ne la fait pas progresser quand on fait porter l'effort sur les godillots et sur le paquetage. C'est encore le troufion qui coûte le plus cher. Des troufions, nous en aurons de moins en moins sous les armes en temps de paix. »
« C'est Louvois qui a permis de gagner les batailles »
Au Conseil du 20 décembre 1962, Messmer revient sur la réorganisation du ministère des Armées.
Après le Conseil, le Général me dit : « Tricot fera bien, pour s'occuper des questions administratives et financières, surtout à long terme. Les militaires n'aiment pas beaucoup s'occuper de la gestion des armées et de ses aspects économiques et administratifs. Pourtant, c'est Louvois, c'est Carnot, c'est Berthier qui ont permis de gagner des batailles, parce qu'ils avaient bien géré l'organisation de l'armée.
« En avril de l'an dernier, après le putsch, quand nous avons réorganisé le ministère des Armées, le poste était resté vacant parce qu'on n'avait pas trouvé d'homme idoine. C'est délicat et c'est lourd.
AP. — Le secrétaire général va avoir autorité sur les chefs d'état-major ?
GdG. — Mais non ! Jamais de la vie ! Quelle idée ! Le secrétaire général administre. Les chefs d'état-major commandent les trois armes ; et le chef d'état-major des Armées coiffe les trois chefs d'état-major pour coordonner leur action. L'essentiel, c'est que les responsabilités soient bien définies. Chacun son rôle, et les vaches seront bien gardées. »
« Si les objecteurs de conscience ont une conscience... »
Au Conseil des ministres du 13 juin 1962, Messmer propose de ramener de cinq à trois ans la durée de la détention des objecteurs de conscience condamnés pour refus d'obéissance. Il prépare un projet de loi portant statut de l'objection de conscience.
Messmer : « C'est une affaire modeste, qui fait plus de bruit qu'elle n'en mérite. La fin de la guerre d'Algérie permet de l'aborder, alors que, jusque-là, nous avions refusé de le faire. Elle a deux aspects.
« L'aspect pénal : quand un garçon incorporé refuse de porter les armes ou la tenue, il commet un refus d'obéissance. Il est condamné avec sursis. S'il récidive, la condamnation devient ferme. Il pourrait passer sa vie en prison, si on n'avait pas pris l'habitude de libérer ces détenus après une durée double du service militaire. Donc, actuellement, cinq ans.
« L'aspect doctrinal : cette affaire provoque une agitation dans les milieux intellectuels, artistiques, et surtout universitaires, depuis les instituteurs jusqu'aux professeurs de faculté.
GdG. — Plus quelques vicaires.
Messmer. — Plus quelques pasteurs. »
Messmer propose deux mesures : réduire l'incarcération de cinq ans à trois ans, ce qui est normal puisque le service passe de vingt-huit mois à dix-huit mois ; soumettre au Parlement un statut des objecteurs de conscience. Ils seraient appelés à faire unservice civil de durée double, en qualité de pompiers ou de sanitaires.
GdG : « En temps de guerre, il n'est pas permis d'admettre que des hommes se défilent devant le danger. En temps de paix, la question peut se poser autrement.
Messmer. — En Angleterre, les objecteurs de conscience, pendant la guerre, étaient invités à dévisser les fusées des bombes non explosées ; ça les avait beaucoup calmés.
Triboulet. — Il est normal de réduire l'incarcération, mais il est fâcheux d'accorder un statut.
Malraux. — Pour qu'il y ait des objecteurs de conscience, il faut d'abord qu'ils aient une conscience. En ont-ils une ? Il ne suffit pas qu'il s'agisse d'ecclésiastiques, pour qu'on soit obligé tout de suite de s'incliner. Si on crée une nouvelle catégorie de citoyens qui échappent au service, cela prendra tout de suite une importance énorme. »
Après le
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