C'était De Gaulle - Tome I
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GdG. — Il a peut-être sa carte du parti socialiste en poche, mais ça m'étonnerait qu'il l'ait renouvelée cette année. (Nos rires lui permettent d'enfoncer la cheville avec son maillet.) La question n'est pas de savoir s'il a été ou non socialiste, mais s'il est un bon ou un mauvais préfet. S'il est compétent, il faut le garder, même s'il était socialiste sous la IV e , quand tous les ministres de l'Intérieur étaient socialistes. Si c'est un incapable, il faut s'en débarrasser, même s'il est gaulliste. »
Le Général connaît bien Van der Meersch. Il aime bien les « vieux compagnons », mais ne les en rabroue que davantage. Il ne supporte pas qu'ils veuillent s'approprier le pouvoir. Il ne manque pas une occasion de leur enseigner ce qu'il trouverait déplacé, ou vain, d'inculquer à des esprits qui ne lui doivent pas fidélité. En tête de son enseignement, vient cette idée que l'État est au-dessus des partis, et que les fonctionnaires, neutres envers les partis, ne doivent allégeance qu'à l'État.
« Les compagnons ne vont pas remettre la chienlit dans l'État ! »
Salon doré, 6 mai 1963.
« On retourne à la sottise ! Les gaullistes se comportent comme les radicaux et les socialistes. Ils font de la politique comme si de Gaulle n'était plus là ! Ils prétendent désigner les préfets et les directeurs de ministères ! Ils voudraient subordonner les nominations à l'approbation du groupe ! Ils se prennent pour des procureurs ! Ils voudraient faire tomber des têtes ! On ne peut pas travailler dans la foire ! Ils ont une conception du Parlement et du gouvernement qui est absolument contraire à celle de De Gaulle ! Et tout ça au nom de De Gaulle ! Ce ne sont quand même pas lescompagnons qui vont remettre la chienlit 1 dans l'État! L'État doit échapper aux partis, y compris le parti gaulliste ! »
Les députés gaullistes sont placés au cœur d'un paradoxe. S'ils invoquent leur filiation prestigieuse à des fins électorales, ils plongent le gaullisme dans la lutte partisane. Ils le transforment en un parti « comme les autres ». Ils restreignent à une fraction du peuple un groupement dont la raison d'être est l'union du peuple. Ils privent de Gaulle de sa vertu, en le ramenant à ce qui lui est le plus contraire : la politique politicienne. Mais, s'ils font défaut au chef, celui-ci est réduit à l'impuissance. Le gaullisme ne s'incarne qu'à travers eux. De Gaulle a besoin des gaullistes... autant que Dieu a besoin des hommes.
« Pourquoi voulez-vous qu'il y ait une opposition ? »
Salon doré, 11 juin 1963.
AP : « Que pensez-vous, mon général, des chances d'avenir de l'UNR, de son implantation, de sa capacité de résister à l'adversaire ?
GdG. — L'UNR n'existera jamais. Ce n'est pas la peine de vous fatiguer. Dans un pays comme le nôtre, qui est voué à se quereller depuis Vercingétorix, un parti ne peut pas prendre. Car, aussitôt, il se coupera en morceaux, ses chefs se querelleront. Il y aura mille nuances qui l'opposeront aux autres partis et qui le feront aussi ressembler aux autres partis. Vouloir faire un parti comme les autres mais plutôt mieux, c'est une entreprise qui n'a pas de sens. L'UNR n'existe que par moi. Elle ne peut pas exister en dehors de moi. Elle ne peut que démultiplier l'action que je mène, mais ce n'est pas elle qui assurera ma succession.
AP. — Vous voulez dire que l'UNR n'a aucun avenir et qu'elle ne sert à rien ?
GdG. — Non, pas exactement, mais elle est dans l'impossibilité d'en avoir en dehors de moi. Elle est dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit d'autre, que de faciliter à mon successeur la tâche de continuer mon œuvre.
AP. — Mais, puisqu'il y a une opposition, il faut bien qu'il y ait une majorité ! On ne peut tout de même pas laisser tout le terrain à l'opposition.
GdG. — Qu'ils occupent le terrain s'ils tiennent à l'occuper, mais ce n'est pas cela qui compte ! Et puis, l'opposition, pourquoivoulez-vous qu'il y en ait une ? Ce n'est tout de même pas un idéal, qu'il y ait une opposition ! Vous croyez qu'on ne peut pas s'en passer ? De quoi ça a l'air, ce qu'a dit Frey l'autre jour ? Il a gratifié l'opposition d'un brevet gouvernemental. Il a sans doute voulu la provoquer, mais ce n'était vraiment pas heureux. Pourquoi voulez-vous aider l'opposition en lui disant qu'il faut qu'elle s'organise ? Laissez-la faire toute seule. Elle sera toujours bien assez forte. C'est le plus mauvais
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