C'était De Gaulle - Tome I
nous laissons jamais déborder par des féodalités, quelles qu'elles soient.»
« Le moment est venu de tenir bon »
Au Salon doré, après le Conseil, le Général va plus loin :
« Le moment est venu de tenir bon ! Il faut empêcher les prix de monter. Il faut s'en tenir au Plan et ne le dépasser en aucun cas. C'est la règle absolue. Parce que le Plan a été minutieusement pensé et qu'il a eu l'accord de tous. S'il est abandonné, ça entraînera une injustice.
« Il ne faut pas que nous compromettions le redressement de la nation en agissant comme des étourneaux. La conjoncture internationale nous y invite. Le Marché commun sera le cadre de notre développement et nous pourrons y tenir une place majeure si notre économie tient le coup.
« Il n'y aura pas de négociation tarifaire avec les États-Unis avant que nous soyons solides sur nos bases.
« Les syndicalistes, je les ai vus. Les représentants du patronat, je les ai vus. Descamps, Bothereau, Villiers 1 , sont venus me voir à titre personnel, non comme syndicalistes et en compagnie de syndicalistes, mais seuls et comme individus.
« Ce sont des gens qui savent que nous avons raison. Mais ils n'osent pas parler ni agir comme s'ils se rangeaient à nos côtés. On ne peut pas compter sur eux. Il faut prendre des décisions, les expliquer et les imposer.
« La masse énorme du pays ne veut pas retourner aux aventures.C'est pour ça qu'il faut être inébranlable et intraitable, quelque incident qui puisse se produire.
AP. — Est-ce que je ne risque pas d'affoler l'opinion, si je parle de la hausse des prix et des mesures envisagées pour les stabiliser ?
GdG. — Ce que vous pouvez dire, c'est que le gouvernement a conscience du fait que l'évolution des prix de détail depuis deux mois est préoccupante. C'est même le seul point noir d'une situation économique par ailleurs satisfaisante. Le Conseil des ministres de ce matin a étudié la situation secteur par secteur et le gouvernement entend que des remèdes efficaces et rapides soient appliqués pour juguler la hausse du coût de la vie.
« Insistez sur le fait qu'un problème existe. Le gouvernement est décidé à le résoudre dans l'intérêt des consommateurs. Il s'agit non seulement de s'opposer à la hausse des prix, mais même de provoquer des baisses dans un certain nombre de secteurs névralgiques de l'économie. Et le pays nous en saura gré. C'est de cela qu'il nous a donné mandat.»
« Pourquoi laissez-vous monter tellement ce crédit à la consommation ?»
Au Conseil du 27 février 1963, Giscard : « Le gouvernement doit s'efforcer de maintenir la croissance économique dans les limites fixées par le Plan, en ce qui concerne à la fois les prix, les revenus et le crédit.
« À l'heure actuelle, le volume du crédit connaît une croissance considérable (18,1 % en 1962).
« La croissance du produit national devrait être en 1963 de l'ordre de 6 %, conformément au Plan. Il faudrait que la croissance des crédits bancaires ne dépasse pas le double de cette croissance, c'est-à-dire 12 %. Il s'agit d'inciter les banques à donner la préférence aux crédits d'équipement, au détriment du crédit à la consommation. »
Le Général a l'air de découvrir le problème et de s'y intéresser vivement : « Et pourquoi donc laissez-vous monter tellement le crédit à la consommation ? Toujours, la facilité. »
Pompidou vole au secours de Giscard.
Mais le Général n'insiste pas. La discusion devient trop technique ; il ne se sent pas assez sûr de lui. Il n'aime pas s'aventurer sur un terrain que deux experts, son Premier ministre et celui qui s'affirme comme son principal ministre, connaissent beaucoup mieux que lui.
« Un rhinocéros dans un magasin de porcelaine »
Le lendemain matin, 28 février 1963, au cours de notre conversation quotidienne, Pompidou, tout heureux que je lui apprenne que le Général vient de renoncer, à cause de la grève des mineurs, à prononcer une allocution sur les prix 2 , me déclare :
« Pourquoi la Bourse baisse ? L'atmosphère psychologique et donc économique est mauvaise. La Bourse est un marché très étroit : un tout petit nombre de spéculateurs jouent sur les marges. Le fait que le Général allait se saisir du problème a donné le sentiment qu'il y avait des choses qu'on ne disait pas. Puisque le Général renonce, on va se sentir rassuré.
« C'est à vous de dire quelques mots sur ce point. Vous pèserez vos mots (ce
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