C'était De Gaulle - Tome I
franc. Il voudrait le voir garder son bon poids. Mais il le sent menacé par l'inflation. Celle-là, il la hait viscéralement.
« Il faudrait tout de même prévoir qu'il puisse faire froid en hiver ! »
Au Conseil du jeudi 24 janvier 1963, Giscard explique que l'indice va franchir le seuil de 134,33, au-delà duquel se déclenchera l'échelle mobile des salaires. « Cette hausse est assez faible, si on la rapporte à sa cause générale, qui est l'absence d'organisation des circuits commerciaux.» Il invoque aussi le froid.
Le Général grogne : « Qu'il fasse froid ou non, c'est toujours la même chose ! Il faudrait tout de même prévoir qu'il puisse faire froid en hiver ! Et il faudrait prendre des mesures en conséquence, à la fois pour les stocks et pour les indices !
Pompidou (à la rescousse de Giscard). — Notre indice est absurde.
GdG. — Je sais, on dit toujours ça, mais on ne le change jamais.
Pompidou. — On m'en a préparé un autre qui est tout aussi absurde. Je demande qu'on en prépare un troisième.
GdG. — J'attendrai le troisième ou le quatrième, mais je vous en conjure, changez-en ! »
« Un seul combat, contre la facilité »
Au Conseil du 6 février 1963, à propos des nominations individuelles, Pompidou indique que Jean Ravanel, maître des requêtes au Conseil d'État, est nommé commissaire au Tourisme, et non pas haut-commissaire.
GdG : « Enfin, voilà une heureuse déflation verbale ! L'expression de haut-commissaire doit disparaître.
Pompidou. — On profite des nouvelles nominations pour faire disparaître l'ancien titre.»
On procède ensuite à la nomination d'un certain Bernard, secrétaire des Affaires étrangères, comme haut-commissaire aux Comores.
GdG : « La situation est délicate aux Comores. Sans que ça puisse aller très loin, d'ailleurs : comment cela pourrait-il aller loin, aux Comores ? Mais je constate que, pour les Comores, vous maintenez l'appellation "haut-commissaire", que vous supprimez pour la métropole, bien que celui que vous honorez d'aussi haute façon soit en l'occurrence un simple secrétaire ! Il n'est pas de trop d'un haut-commissaire pour venir à bout des difficultés des Comores ! On reste en pleine inflation pour l'outre-mer ! La lutte contre l'inflation, de quelque inflation qu'il s'agisse, c'est un seul combat, contre la facilité ! »
Autant le Général exalte l'Etat, autant il s'acharne à rabaisser l'orgueil de ses serviteurs... Mais, comme s'il se rendait compte qu'il y a quelque exagération à dramatiser ainsi la nomination d'un secrétaire des Affaires étrangères aux Comores, il ajoute doucement, après quelques secondes : « Enfin, j'aurais mauvaise grâce à ne pas reconnaître que vous faites quelques progrès. »
Le Général ironise, certes, envers Pompidou et même un peu envers lui-même. Néanmoins, la lutte contre l'inflation verbale lui tient presque autant à cœur que le combat contre l'inflation monétaire : deux formes de faiblesse.
« Les préfets sont là pour un coup ! »
Au Conseil du 20 février 1963, Giscard : « Que de passions déchaînées sur l'économie ! Il y a quelques semaines, optimisme excessif ; aujourd'hui, alarmisme exagéré. Nous avons les comptes de 1962. La croissance du produit national a été de 6,3 % (le Plan prévoyait 5,5). Mais on doit reconnaître que l'évolution des prix est défavorable. Leur augmentation de 1961 à 1962 se situe entre 4 et 4,5 %. Il faut lutter avec rigueur contre cette tendance.
GdG. — On se demande pourquoi ce n'est pas le cas. On ne comprend pas ce qui empêche que cette lutte soit déjà entreprise. »
Quand il dit « on », cela veut évidemment dire « je ». Il a été élevé à la janséniste. Pour lui comme pour Pascal, le moi est haïssable. Ce n'est sans doute pas par orgueil, mais par modestie, qu'il parle si souvent de lui à la troisième personne.
Giscard ne répond pas. C'est sa technique hautaine. Elle agace le Général, mais en même temps l'impressionne. Il enchaîne, comme si l'algarade du Général ne méritait pas qu'on s'y arrêtât : « Pour le vin, une baisse est possible ; pour le café, les légumes secs, aussi. Aurons-nous recours à la taxation ? Les préfets sont sceptiques, mais il faut que nous puissions compter sur leur concours.
GdG (irrité, à Giscard). — Vous vous demandez s'il faut recourir à la taxation ? Mais bien sûr que oui ! Et les préfets sont là pour un coup ! »
Il conclut : « Ne
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