C'était De Gaulle - Tome I
qu'une grève illimitée soit déclenchée. Je demande l'autorisation de réquisitionner le personnel des Charbonnages le moment venu. Le président des Charbonnages, Veyret, les ingénieurs, les préfets, nous le demandent avec insistance, pour permettre aux mineurs d'échapper à la pression des syndicats.
Pompidou (avec lequel Bokanowski s'est visiblement mis d'accord). — Cette réquisition des mineurs, préconisée par le ministre de l'Industrie, est destinée à nous mettre en position de force. Les mineurs sont entraînés à faire la grève, même s'ils n'en ont pas personnellement envie. La réquisition individuelle est faite pour leur donner un alibi : "Moi, je voudrais bien faire la grève, mais je ne peux pas, je suis réquisitionné." »
Personne ne soulève d'objection, ni le Général, ni Grandval.
Une épreuve s'engage, dans un contexte difficile : inflation de nouveau menaçante, résolution de tenir les prix, les salaires, les dépenses publiques, et de respecter scrupuleusement le Plan. De plus, l'hiver est rigoureux. Les Français ne doivent pas manquer de charbon. Au souvenir encore récent de la guerre et des pénuries du rationnement, une préoccupation lancinante s'est emparée des ministres compétents : assurer l'alimentation des hommes et l'approvisionnement des industries. « C'est le rôle premier de l'État », dit Pompidou.
Après le Conseil , il me recommande : « Pas un mot sur la réquisition ; le principe est acquis, la décision n'est pas encore prise.»
« L'administration s'est déployée »
Au Conseil des ministres du 6 février 1963, tous les fronts sont soucieux. La grève des mineurs s'étend. La presse d'opinion bascule en faveur des mineurs, Le Figaro en tête.
Bokanowski commence par parler des conséquences de la vague de froid.
Le Général, parfaitement serein : « Il n'est pas douteux que l'administration s'est déployée. (Il en parle comme d'une armée qui se déploie sur le champ de bataille.) Elle est efficace. Maispeut-être aurait-elle dû faire des prévisions, imaginer qu'il pouvait faire froid en hiver. Pour ce qui est des mineurs, il n'y a pas de raison d'avancer la date des pourparlers. Il ne faut pas que cette grève nous impose les résultats de la négociation.
Bokanowski. — Nous avons avancé la date des pourparlers, qui devraient être assez longs ; les chiffres ne sont pas clairs. On descendait dans les puits, mais pour un rendement exécrable ; la grève perlée se soldait par une perte. Maintenant, les choses sont nettes ; on est passé à la grève totale.
Pompidou (sèchement). — Inutile de revenir là-dessus. J'ai dit à M. Bokanowski ce que je pensais du fonctionnement de son ministère. En revanche, les services des Travaux publics, de la SNCF et des Transports sont ceux d'Europe occidentale qui ont le mieux fonctionné, si on les compare à ceux de Grande-Bretagne et d'Allemagne.
GdG. — Après le dégel, ce sera le ministre des Travaux publics et des Transports qui se plaindra. Puis, on verra arriver le ministre de l'Agriculture.
Pisani (promptement). — Il est déjà là ! Nous avons déjà 60 % de dégâts dans les récoltes. »
Fouchet signale quantité d'incidents : « Des classes installées dans des préfabriqués qu'on ne peut plus chauffer quand il fait froid. Des baraques pour les chantiers de jeunesse du temps de Vichy servent de locaux pour l'enseignement technique dans les départements du Centre. »
« Ne laissez percer aucune inquiétude »
Après le Conseil, le Général me dit :
« Soyez serein, Peyrefitte. Ne laissez percer aucune inquiétude. Faites ressortir le caractère exceptionnel du froid. (Il a une feuille avec quelques chiffres sous les yeux.) Ne vous laissez pas embarquer sur la grève des mineurs. C'est l'hiver le plus rigoureux depuis 1880 2 . La consommation de combustible est de 40 % supérieure à ce qui se passe dans un hiver normal.
« La bataille est gagnée pour EDF-GDF, la SNCF, la sidérurgie et l'industrie. Aucune usine n'a dû fermer. Pour les foyers domestiques, les difficultés doivent être surmontées.
« Les grands services publics et les travaux publics ont parfaitement fonctionné chez nous ; alors que les autres pays d'Europe occidentale, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, bien qu'ils aient du charbon en abondance, sont les plus démunis : ils imposentdes coupures de gaz, des arrêts d'activité, des perturbations dans le trafic des trains.
« Et dites, surtout, que
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