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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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brève intervention dans ma conférence de presse, ne serait-ce que pour montrer d'un mot que le Premier ministre a une substance, contrairement à ce que les journaux affirment, depuis trois jours qu'il a été nommé.
    Le Général marque le coup. Il laisse passer de longues secondes. Comme j'aimerais savoir ce qu'il pense ! Que son Premier ministre vient de lui donner une leçon de modération dans le jugement ? Que cette impertinence, si ténue soit-elle, est agaçante et augure mal de leurs futures relations ? Que, décidément, il ne s'est pas trompé dans son choix, le Premier ministre montrant dès le premier Conseil qu'il est à la hauteur de sa mission ? En tout cas, il reprend lentement :
    « Le Marché commun n'a été possible que grâce au redressement de la France en 1958. C'est ainsi que nous avons un début de Marché commun industriel. Quant au Marché commun agricole, il ne se mettra en place que si nous l'imposons. Sur toute la ligne, ce traité de Rome ne fonctionne que grâce à nous. Alors, n'ayons pas de complexes !
    « Quand le Marché commun n'était pas encore réalisé, la Grande-Bretagne y était hostile. Elle nous menaçait d'une guerre des tarifs. Macmillan est venu me dire : "Nous n'admettrons pas l'unité des continentaux, nous ne l'avons jamais admise dans le passé ! "
    « Je lui ai répondu : "Vous verrez, vous demanderez à y venir !" Ils l'ont demandé. Et pour quoi faire ? Pour jouer le jeu ? Ou pour empêcher que ça marche ? La réponse n'est pas claire. Ils voudraient qu'on admette, en même temps qu'eux, tout le Commonwealth. Mais ça changerait tout ! L'Angleterre aura du mal à adopter la politique continentale. La politique anglaise n'est pas la même que la politique élémentaire du continent. »
    Il a bien dit élémentaire. Pour lui, la politique se fait d'après les intérêts de base des pays : ceux des six nations du continent peuvent s'harmoniser naturellement les uns avec les autres ; ceux des Anglais, non.

    « Veut-on ou non que l'Europe soit européenne ? »
    « Ce Marché commun industriel a donné d'excellents résultats. Il nous a incités à nous moderniser. Peut-être en sera-t-il de même pour l'agriculture. Il nous rend le grand service de secouer nos routines. Mais, au fur et à mesure que nos réussites se dessinent, le reste de l'Occident veut se joindre à nous. D'abord, la Grande-Bretagne ; ensuite, ce sera le tour des États-Unis, qui demandent déjà à former une communauté économique atlantique. Ce serait le libre-échange du monde occidental ; ce ne serait plus leMarché commun européen. Les Allemands sont nombreux à être favorables à ce libre-échange général, plutôt qu'au Marché commun des Six.
    « Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour la réussite du Marché commun, et nous continuerons. Nous ne pourrons le faire que si nous avons une économie qui se tienne.
    Giscard. — Il est absurde de vouloir faire entrer le Commonwealth, la Turquie ou Israël dans le Marché commun, bien qu'ils se profilent à l'horizon. L'énergie que nous dépenserions là nous ferait perdre les avantages que nous rapporte la Communauté économique à Six. Ce qu'il faudrait, c'est élaborer une doctrine pour l'association au Marché commun des pays qui veulent s'en rapprocher, mais n'ont pas vocation pour y entrer. C'est une affaire de vitesse. L'adhésion anglaise mûrira d'ici à un an, l'adhésion ou la contre-offensive américaine 10 dans deux. Dans l'intervalle, il faudrait que les Six aient fait un premier pas pour affirmer leur identité commune.
    GdG. — Ce premier pas, c'était l'Union des États, qui vient d'être repoussée. Il faut tenir compte de la position personnelle de Spaak. Après l'OTAN, où il n'a pas trouvé sa satisfaction, il aurait voulu être le négociateur des Six avec l'Angleterre. Il est contrarié.
    Couve (l'air renseigné, mais ne voulant pas en dire davantage). — Spaak aura des difficultés chez lui.
    Pisani (pathétique). — Qu'on ne prenne pas son parti de ce qui s'est passé hier ! D'abord, parce que le Marché commun agricole n'existe pas encore et n'existera que si nos partenaires le veulent bien. Ensuite, parce qu'on ne peut pas accepter le débordement de l'économique sur le politique : l'argument politique l'a toujours emporté dans la négociation. Enfin, notre jeunesse a pris l'habitude de regarder au-delà de l'hexagone 11 . Après la guerre d'Algérie et la décolonisation, l'Europe est un

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