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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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l'étouffer de l'extérieur en le noyant dans une grande zone de libre-échange. Maintenant, ils essaient de le faire sauter de l'intérieur, par Hollandais et Belges interposés. S'ils n'y arrivent pas par ce moyen, ils tâcheront de le paralyser eux-mêmes, après s'y être fait admettre. Ne vous inquiétez pas. Ils ont de la suite dans les idées. Mais nous aussi. Et dorénavant, nous en aurons les moyens. »

    « Le chef du gouvernement, c'est moi »
    Je hasarde encore, tout en sentant vaguement que je vais me faire renvoyer dans mes buts, un complément au communiqué : « Le chef du gouvernement a fait observer que les difficultés que rencontrent les Six proviennent des succès mêmes du Marché commun. »

    Le Général m'arrête avec un revers du tranchant de la main. « N'employez donc pas l'expression chef du gouvernement pour parler du Premier ministre. Le chef du gouvernement, c'est moi. LePremier ministre est le premier des ministres, primus inter pares 1 , il coordonne leur action, mais il le fait sous la responsabilité du Président de la République, qui dirige l'exécutif sans partage. D'ailleurs, ce que vous lui faites dire n'a pas grand intérêt.»
    Tant que Michel Debré était à Matignon, c'est-à-dire jusqu'à samedi dernier, le Général aurait-il tenu les mêmes propos, alors que son Premier ministre réunissait et harcelait sans cesse les ministres ? Le remplacement de Debré signifierait-il que le Premier ministre passe du statut de président du Conseil à celui, que Pompidou avait déjà assuré, de directeur de cabinet...

    « Il n'y a pas eu de changement de gouvernement »
    De moins en moins sûr de moi (c'est probablement ce qu'il recherche), je lui soumets une autre formule : « Le Président de la République a confirmé sa volonté de voir s'exécuter les accords d'Évian, pour ce qui concerne d'abord le fonctionnement et l'autorité de l'Exécutif provisoire, ensuite l'autodétermination de l'Algérie dans les délais fixés, enfin les conséquences que pourra comporter cette autodétermination. »
    Il me donne aussitôt une nouvelle application du principe qu'il vient de m'énoncer : « Ne dites pas le Président de la République, mais le gouvernement a confirmé sa volonté, etc. »
    Ainsi, il est non seulement le chef du gouvernement, mais le gouvernement tout entier : même si tous les ministres sont restés muets sur ce sujet, ils sont censés s'exprimer par sa bouche, puisque nul autre que lui n'avait exprimé une telle « volonté ».
    Comme il est attentif au vocabulaire ! J'annonce mon intention de déclarer que l'ordre du jour était « peu chargé en raison du changement de gouvernement ». Il me reprend vivement : « Non ! Il n'y a pas eu de changement de gouvernement 2 ! Parlez seulement de son renouvellement ! Il est inchangé pour l'essentiel ! Un certain nombre de ses anciens membres ont été relevés par des membres nouveaux, c'est tout. Après un engagement, des troupes qui ont été éprouvées par le feu sont relevées par des troupes fraîches ; mais c'est toujours la même armée.»
    Pour aller un peu plus loin, j'essaie de faire parler le Général tant sur l'Europe que sur l'Algérie. Il me rabroue : « Vous en savez bien assez ! » Je n'ai pas plus de chance quand je tâche de m'informer sur les prochaines fonctions du général Ailleret : « Vous le saurez bien assez tôt ! Nous le nommerons en Conseil. Il sera temps, alors, que vous l'appreniez ! Le plus sûr moyenque vous n'en disiez pas un mot, c'est que vous en ignoriez tout. »
    Je sors de son bureau comme un chat échaudé. À quoi ressemblera cette mission de porte-parole du gouvernement (c'est-à-dire du Général, puisque le gouvernement, c'est lui), si je dois me contenter d'énoncer sèchement de plates évidences ?

    « Alors, qu'est-ce que vous voulez savoir ? »
    Les Conseils des ministres suivants, du 25 avril et du 2 mai, n'ont fait qu'accroître ma déception. À chaque question que je me hasarde à lui poser, le Général répond immanquablement : « Inutile que vous le sachiez ! On en dit toujours trop ! »
    Le 9 mai, je renonce, dès la première rebuffade, à poser d'autres questions. Mais je déploie la contre-offensive à laquelle je me suis préparé : « Mon général, si les journalistes ont le sentiment que je ne sais rien de plus que ce que je suis chargé de leur annoncer, je n'aurai aucun crédit auprès d'eux, aucune chance de pouvoir infléchir leurs analyses, qui vous

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