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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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embarrassés. Ça nous coûte cher et nous ne sommes pas sûrs des résultats... Enfin, puisqu'on a commencé, il faut bien continuer.
    AP. — Ça coûtera de plus en plus cher.
    GdG. — Ça devrait quand même coûter moins cher à sept. L'organisation européenne devrait nous permettre de faire avec les autres ce que nous ne sommes plus en mesure de faire tout seuls. »
    Il exhale encore un peu de l'irritation qu'a provoquée le sigle ELDO : « Si nous n'exigeons pas que les titres des organisations auxquelles nous appartenons soient en français, comment voulez-vous que nous ne soyons pas noyautés par les Anglais, et colonisés par les Américains ? Si nous ne nous battons pas pour le français, qui le fera ? Pour l'Organisation des Nations Unies, en 45, nous avons imposé ONU, bien qu'elle fût installée à New York. Quand on a créé l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture, c'était après mon départ. Elle a eu beau s'installer à Paris, on lui a donné un sigle anglais, UNESCO, alors que ONUESC aurait sonné tout aussi bien. On s'y serait vite habitué. Mais voilà, je n'étais plus là, alors on n'a rien osé demander. Toujours, se coucher ! »
    Il ajoute, rêveur : « Notez bien que cet ELDO, ce sont les Six plus l'Angleterre. À six, on parle français. Il suffit que les Anglais soient là, pour qu'on se croie obligé de parler anglais.
    « Raison de plus pour resserrer les liens avec les Allemands. Il faut qu'ils deviennent, dans tous les domaines, nos interlocuteurs privilégiés. Notre couple peut résister à la pression anglo-saxonne. Chacun de nous, seul de son côté, ne le peut pas.
    « On me dit qu'en Allemagne même, l'allemand recule de plus en plus devant l'anglais, comme c'est déjà le cas pour les langues nordiques, en Scandinavie. Si on continue comme ça, viendra le jour où les Allemands ne sauront plus lire Goethe ou Schiller. L'alliance franco-allemande devrait consolider le français en France et l'allemand en Allemagne. Pour ça, il faut faire progresser le français en Allemagne et l'allemand en France. Si nous ne nous entendons pas pour défendre ensemble nos personnalités nationales, par la force des choses l'anglais et les Anglais, à cause surtout des Américains, nous envahiront. »
    Il veut payer d'exemple. Et il a déjà décidé que, lors de son voyage en Allemagne, il prononcerait ses discours en allemand. Non pas une phrase, pour se concilier l'auditoire : le discours entier ! Jamais il ne se sera donné autant de mal pour préparer un voyage. On devine aisément pourquoi.

    « C'est de moi que les Allemands attendent l'absolution »
    Salon doré, 27 juin 1962.
    GdG : « Essayez de faire comprendre à la presse que le voyage d'Adenauer, la semaine prochaine, est capital. Nous lui avons organisé une visite d'État, comme s'il était Président de la République. L'an dernier, pour ne pas vexer les Allemands, qui auraient fait des histoires, nous avions fait de même, pour commencer, avec le président Luebke. Mais ça n'avait pas grand sens, c'est un dessus de cheminée, il ne compte pas.
    « En revanche, Adenauer, c'est l'Allemagne. Nous faisons pour lui le grand jeu. Et, en septembre, il nous rendra la pareille.
    AP. — Qu' attendez-vous de cet échange de visites ?
    GdG (il parle lentement, comme quand il s'apprête à dire des choses importantes). — J'en attends la consécration de l'amitié franco-allemande. Nous allons sceller solennellement la réconciliation des deux peuples. Adenauer avait été entre les deux guerres un grand maire de Cologne, qu'il a ensuite relevée de ses ruines. Il s'est comporté dignement pendant l'époque nazie. Il gouverne l'Allemagne avec fermeté depuis treize ans. Personne ne peut, mieux que lui, saisir ma main. Mais personne ne peut mieux que moi la lui tendre. Parce que j'ai été pour eux un adversaire implacable pendant la guerre, c'est de moi qu'ils attendent l'absolution pour leurs crimes de guerre. Vous comprenez, Robert Schuman n'était pas le mieux placé pour les soulager de leurs remords, s'il est vrai qu'il avait été capitaine dans l'armée allemande pendant la Première guerre 1 ...
    AP. — Quand il est venu présenter à Bonn le plan qui porte son nom, la presse allemande l'a accueilli ironiquement : " Heil, Herr Hauptmann ! " 2 .
    GdG (il rit). — L'essentiel, c'est que les deux peuples, dans leurs profondeurs, exorcisent les démons du passé ; qu'ils comprennent maintenant

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